Les nouveaux bénéficiaires sont maintenant admissibles au remboursement intégral des frais de thérapie, tant pour le passé que pour l’avenir. Les importantes pertes de revenu seront également compensées. Une rente à vie pour les séquelles permanentes subies leur sera versée au terme du processus thérapeutique.
Cette bataille durait depuis près de trois ans, alors que la demande initiale de presta- tion a été déposée le 27 avril. Les proches ont décidé de contester le refus et ils ont été accompagnés dans tout ce processus par l’avocat et ancien ministre libéral Me Marc Bellemare.
La mère de la victime, Mélanie Huard, le père, Éric Boudreault, et sa conjointe, Claudine Halde, s’étaient vu refuser l’accès au programme de l’IVAC. Selon les critères de l’IVAC, ils ne tombaient pas dans la définition de victime, car ils n’étaient pas sur les lieux du crime au moment où il a été commis. Les trois personnes étaient néanmoins présentes lorsque la dépouille de la victime avait été transportée en ambulance.
Bien des victimes
En faisant une interprétation plus large et libérale des textes de loi, les juges adminis- tratifs du TAQ Carl Leclerc et Louise Hamel ont convenu que les trois proches de Daphné Huard-Boudreault étaient des victimes, car ils avaient subi des blessures importantes sur le plan psychologique, et ce, pour des implications affectives différentes dans le drame.
Rappelons que la victime a été assassinée à coup de couteau par Anthony Pratte-Lops dans l’appartement de la rue Forêt qu’ils partageaient jusqu’à leur rupture. Daphné Huard-Boudreault s’y rendait pour aller récupérer ses effets personnels. La rupture s’est produite quelques semaines avant la journée tragique. Pratte-Lops n’avait pas accepté cette rupture et s’était mis à traquer son ancienne copine. Il avait d’ailleurs suivi la jeune femme de 18 ans jusqu’à son lieu de travail le matin du 22 mars. La police était venue sur les lieux et c’est l’événement qui a mené Daphné Huard-Boudreault à aller récupérer ses biens.
Pratte-Lops s’était également présenté la veille du meurtre chez Mélanie Huard pour vérifier si sa fille était là. Du coup, Mme Huard a craint pour sa vie ainsi que celle de son autre fille. Le lendemain, elle a appelé Daphné pour la conseiller. C’est cette participation au remous du drame qui a mené le TAQ à considérer la mère comme victime.
Dans le cas d’Éric Boudreault, sa blessure découle, selon le TAQ, du fait qu’il avait parlé à Pratte-Lops et que ce dernier lui avait assuré qu’il serait absent lorsque Daphné viendrait chercher ses effets personnels. Du côté de Claudine Halde, la douleur vient du fait qu’elle devait accompagner sa belle-fille à l’appartement.
Notons que Daphné Huard-Boudreault s’était présentée au poste de police et qu’une agente avait convenu de l’accompagner à l’appartement. La jeune femme est partie avant la policière qui est arrivée sur les lieux une fois que le crime a été commis. Pratte-Lops a été condamné à la prison à vie en mai 2019 à la suite d’un plaidoyer de culpabilité. Le travail des policiers de la Régie Richelieu–Saint-Laurent dans cette histoire fait toutefois toujours l’objet d’une enquête en déontologie policière.
Un système à réformer
Malgré une décision favorable au TAQ, tout ce processus a laissé un goût amer aux proches de Daphné Huard-Boudreault. « Nous avons été chanceux d’avoir de l’aide et du soutien sans lequel cela n’aurait jamais fonctionné. Il y a une certaine rage d’avoir dû se rendre au tribunal pour aller expliquer les détails de cette journée qui a brisé nos vies. […] Mon plus grand souhait est que ce résultat empêche les autres familles de vivre ce qu’on a vécu », déclare Éric Boudreault.
« Ça a été pénible; c’est près de 40 mois d’anxiété, de crise de panique, de problème de sommeil, dit de son côté Mélanie Huard. La bataille a été difficile. Par chance que Me Bellemare était là pour nous. Sans lui, je n’aurais pas pu continuer. J’espère que les proches des victimes auront des délais moins longs. »
« Vivre dans l’attente d’une réponse, c’est indescriptible et difficile sur le moral. J’espère qu’on va avoir réussi à changer les choses. Ce n’est pas normal que des gens aient besoin de se battre », d’ajouter Claudine Halde.
Tous les trois, ainsi que Me Marc Bellemare, réclament une réforme pressante de l’IVAC. « C’est un système pourri, fait sur mesure pour décourager les victimes. […] Beaucoup de victimes se découragent pour toutes sortes de raisons, que ce soit par manque d’énergie ou d’argent. Je veux féliciter ces trois personnes d’avoir accepté d’aller jusqu’au bout. Ça aurait été facile d’abandonner », affirme l’avocat.
Le dossier de l’IVAC est maintenant entre les mains du député de Borduas, Simon Jolin-Barrette, qui vient d’hériter du ministère de la Justice à la suite d’un rema- niement ministériel. Me Bellemare a confiance que le nouveau ministre de la Justice fera avancer les choses étant donné qu’il a beaucoup critiqué l’IVAC lorsqu’il était dans l’opposition.
Simon Jolin-Barrette n’a pas commenté la nouvelle, car il avait un devoir de réserve, mais dit avoir bien attendu la demande de la famille, a indiqué un membre du bureau de circonscription.