Au triage, constat rapide. La vie de la patiente n’est pas en jeu : direction la salle d’attente pour les prochaines heures. Avoir su qu’elle allait prendre le champ avec sa voiture, elle aurait sûrement apporté un livre pour passer le temps dans la salle d’attente bondée. C’est ça qui est bête avec les accidents; c’est plus ou moins prévu.
Comble du malheur, c’est la journée que les infirmières ont choisie pour manifester leur exaspération envers le temps supplémentaire obligatoire. Faut lire leur « recueil noir », un livre comprenant 500 témoignages d’infirmières à boute pour comprendre leur écœurement. Le Journal de Montréal en publiait quelques extraits ce lundi.
Tu deviens infirmière pour prendre soin des autres; tu finis par vouloir quitter ton poste pour prendre soin de toi. À boute les filles (Oui, quelques hommes aussi, mais les postes d’infirmières sont surtout occupés par des femmes, et beaucoup de mamans monoparentales, apprend-on! Tiens donc.)
Mon amie décide de quitter l’hôpital. Les courbatures s’estompent en même temps que le stress et elle pourra se débrouiller pour voir son médecin de famille rapidement par chance. Car ce n’est pas terminé. Faut entreprendre les démarches avec l’assurance, trouver une autre voiture et aller chercher les enfants. Té pas morte dans la voiture, alors la vie continue.
Juste avant de quitter l’hôpital, la patiente se fait aborder par l’un des ambulanciers. « On se connaît, n’est-ce pas? »
Oui, dit-elle. On s’est rencontrés [dans une résidence pour adultes handicapés].
Oui, se souvient l’ambulancier. Je ne ferais tellement pas ce travail, ajoute-t-il.
Faut le comprendre. On parle de l’une de ces résidences pour adultes handicapés qui ont fait les manchettes cette semaine. TVA Nouvelles a réalisé un reportage où l’on apprend que les employés de ce type de résidence se font attaquer, cracher dessus et même étrangler par des patients violents. Surtout, le personnel est souvent peu préparé à ce type d’affrontement et le personnel n’est souvent pas assez nombreux. La clientèle, elle, est plus dangereuse qu’avant. Je sais pour en avoir discuté des heures avec mon amie qui a fini par juste changer de place dans le réseau de la santé. À boute, la fille.
Comme notre page frontispice du journal. Nous avons hésité entre deux photos pour illustrer la pénurie de main-d’œuvre dans les ressources intermédiaires d’hébergement du Québec. Dans la première photo, Catherine Viens arborait un grand et très joli sourire. Une belle photo. Dans celle que nous avons dû choisir, le sourire est plus effacé. Mais c’était plus proche de la réalité. Car le beau sourire de la directrice de la Maison Angevin à Belœil cache un épuisement réel. Ben oui, la fille est à boute.
Me semble qu’on est tous un peu à boute. Je me trompe?
11 avril 2019 - 18:15
À boute
Vincent Guilbault
Une amie à moi. Un accident d’auto lundi matin. Rien de grave, juste de la ferraille. Mais le choc, le stress, les courbatures. C’est donc l’ambulance et l’hôpital.
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