17 mai 2023 - 07:00
Accusé d’homicide involontaire d’un nonagénaire
Abraham Leblanc connaîtra son verdict en juillet
Par: Denis Bélanger
Lionel Martineau.
Photo gracieuseté.

Lionel Martineau. Photo gracieuseté.

C’est le 7 juillet prochain que le juge Benoit Gariépy déterminera si le Belœillois de 39 ans Abraham Leblanc est criminellement responsable d’avoir causé en octobre 2019 la mort du nonagénaire Lionel Martineau à la suite d’une querelle portant sur la présence du chien de ce dernier sur le terrain de l’accusé.

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Entamé en septembre, le procès s’est poursuivi la semaine dernière pendant deux jours au palais de justice de Saint-Hyacinthe. Les avocats ont présenté leur preuve devant le magistrat le 8 mai et tenu leur plaidoirie le lendemain. Le magistrat a pris le dossier en délibéré pour rendre sa décision. Rappelons qu’Abraham Leblanc est accusé d’homicide involontaire et voie de fait causant des lésions corporelles.

« Le procès s’est déroulé promptement. Les deux parties ont participé à une administration efficace de la preuve considérant les réalités quant aux délais et aux ressources judiciaires. Les témoins et la famille de la victime ont offert une belle collaboration », a commenté la procureure de la Couronne, Me Marie-Claude Morin. L’Œil Régional a aussi demandé à l’avocat de la défense, Me Martin Latour, de réagir, mais ce dernier n’a pas donné suite à la demande du journaliste.

Outre l’appel 911 fait par l’accusé, la Couronne a fait entendre les témoignages d’un policier de l’identité judiciaire Martin Thibaudeau, l’ambulancier dépêché sur les lieux en 2019 Luc Girard ainsi que l’aîné de la victime, Gaston Martineau. La préposée aux bénéficiaires Nicole Gaudet a également été appelée à la barre. Elle offrait du service d’accompagnement d’abord à l’épouse de M. Martineau puis pour ce dernier à la suite du décès de la dame en août 2019. Mme Gaudet a notamment expliqué que Lionel Martineau avait des problèmes de vision et qu’elle devait souvent répéter pour obtenir une réponse quand elle lui parlait. « On ne savait pas s’il n’entendait pas ou ne comprenait pas ce qu’on disait. Des fois, ils sont dans leur bulle. »

La défense a pour sa part seulement fait témoigner Abraham Leblanc.

Sur son terrain

Àgé de 92 ans, Lionel Martineau promenait en laisse son chien Wilson, un labrador noir, le 26 octobre 2019 dans son quartier de Belœil, comme il le faisait souvent, quand il se serait introduit sur le terrain d’Abraham Leblanc. Ce dernier était dans un escabeau.

M. Leblanc n’appréciait pas la présence du chien puisqu’un jeune enfant jouait à l’extérieur sur la propriété. Il a expliqué durant son témoignage qu’il cherchait à protéger le jeune d’un chien qu’il ne connaissait pas. Il affirme avoir même barré la route du chien avec sa jambe. M. Leblanc a toutefois reconnu que l’animal ne démontrait pas de signe d’attaque. L’accusé a toutefois déjà été mordu il y a plusieurs années par un chien qu’il connaissait bien. Gaston Martineau a témoigné de son côté que Wilson était un gentil animal.

Wilson, le chien de M. Martineau.
Photo gracieuseté.

Bousculade fatale

Abraham Leblanc affirme avoir demandé plusieurs fois à Lionel Martineau de quitter son terrain, mais le nonagénaire aurait continué à avancer. Sur l’appel 911, M. Leblanc dit avoir juste repoussé M. Martineau qui a perdu pied et est tombé par terre par la suite. Plus tard, sur ce même appel, il a dit qu’il a « juste voulu le tasser, pour dire : dégage de mon terrain ».

Pendant le procès, Abraham Leblanc a expliqué avoir levé les mains et légèrement posé des doigts à la hauteur du sternum de M. Martineau. L’avocat de l’accusé a aussi rappelé les propos d’un autre témoin, tenus en 2019, spécifiant qu’Abraham Leblanc avait à peine touché le nonagénaire.

Cependant, un autre policier, Ralph Dallaire, a témoigné l’automne dernier qu’Abraham Leblanc lui avait dit sur les lieux de l’événement qu’il avait poussé Lionel Martineau. M. Leblanc a nié pendant le procès avoir utilisé ce terme.

Notons que l’accusé avait mal évalué l’âge de la victime sur l’appel 911, ayant déduit que Lionel Martineau était plutôt âgé de 70 ans. On l’entend aussi demander au nonagénaire pourquoi il allait chez les gens avec son chien. Il a aussi répété plusieurs fois à M. Martineau de rester allongé en attendant les secours.

Contradictions et voie de fait

Durant les plaidoiries, les avocats des deux camps ont mis en doute la crédibilité de certains témoins. Me Latour a même soulevé la notion de défense de bien, qui est un principe en droit qui permet à une personne d’empêcher une autre d’entrer sur le bien ou de l’en expulser. Le collègue de Me Morin, Me Jimmy Brassard, a insisté sur le fait que de toucher une personne sans son consentement constituait un voie de fait.

Loin d’être terminée

Peu importe le verdict rendu le 7 juillet, cette histoire ne sera pas terminée devant les tribunaux. Si M. Leblanc est reconnu coupable, son avocat plaiderait une requête en divulgation de la preuve. De plus, Me Latour déposerait une requête en arrêt des procédures. Me Latour préférait attendre la décision du juge, car un verdict de non-culpabilité rendrait non nécessaire cette requête. De plus, il faudra également déterminer la sentence. Contrairement à des accusations de meurtre, il n’y aucun minimum à imposer pour homicide involontaire.

La possibilité d’aller en appel sera toujours possible pour les deux camps. En septembre dernier, le juge Benoit Gariépy a indiqué qu’il s’attendait à ce que le dossier atterrisse à la Cour d’appel, peu importe sa décision. D’ailleurs, Me Marie-Claude Morin a déclaré que la Couronne examinera sérieusement la décision du tribunal si Abraham Leblanc était acquitté et pourrait alors décider ou non de porter le dossier en appel.

Ajoutons également que l’accusé fait toujours face à une poursuite au civil déposée en août 2022 par les enfants de M. Martineau qui réclament un total de 310 000 $ à Abraham Leblanc à titre de dommages et intérêts pour responsabilité civile.

Le tribunal avait suspendu le traitement de cette poursuite l’automne dernier pour attendre l’issue du procès criminel.

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