Comme il s’agit d’une première piscine en eau vive dans une rivière au Québec, des règles plus strictes sont imposées : malgré ses dimensions de 24,4 m sur 12,2 m, incluant deux couloirs de nage en longueur, le bassin ne pourra accueillir que 25 baigneurs simultanément, surveillés en tout temps par deux sauveteurs. Tous les enfants de 13 ans et moins devront être accompagnés dans l’eau par un adulte et ceux de 10 ans et moins devront porter une veste de flottaison. Il est même recommandé pour les adultes qui ne sont pas en mesure de nager une distance de 50 m en eau profonde de porter une veste de flottaison; des vestes de différentes tailles sont d’ailleurs offertes au quai. Il est aussi interdit de nager sous l’eau et sous les quais de même que de plonger.
Julie Pelletier, chef de service des loisirs et de la vie communautaire, reconnaît que ces règles sont rigides, mais que la Ville pourrait s’ajuster au courant de l’été. Même la capacité de baigneurs pourrait être révisée.
Quant aux heures d’ouverture de l’installation gratuite pour tous, elle est arrimée avec celles du service de location de canots offert par le Club de canotage OBC, collaborant pour une deuxième année consécutive avec la Ville. La mairesse de Belœil, Nadine Viau, se montre ouverte à élargir les heures si la demande est au rendez-vous. D’ailleurs, la pénurie de sauveteurs n’est pas un enjeu pour cette piscine, au contraire. « Il y a un engouement des sauveteurs et on a même une liste d’attente! » assure-t-elle.
Répondre à un besoin
Ce projet de piscine en eau vive vient répondre à la conclusion de l’étude des besoins en infrastructures récréatives au fait qu’il manque une piscine publique sur le territoire de Belœil, sans engendrer les coûts de plusieurs millions qu’une piscine implique généralement. La résolution adoptée à la séance publique du 25 juin fait état d’un montant de 140 500 $ pour ce projet pilote, un montant équivalent à « deux journées et demie de déneigement », relativise la mairesse.
« Au début, on regardait pour un plus gros projet, mais ça aurait pris des années d’études pour obtenir les certificats d’autorisation. Puis, on a eu l’idée d’utiliser nos 300 m2 de quais autorisés et le ministère nous a confirmé que leur autorisation demeurait valide; ça nous a permis de réaliser ce projet à peu de frais et dans un court laps de temps », commente pour sa part Claudia de Courval, directrice du Service du génie à Belœil.
La Fondation Rivières de même que la Société de sauvetage ont collaboré étroitement avec la Ville pour l’aider à concrétiser ce projet pilote aussi rapidement, note Julie Pelletier.
Mme Viau se défend des craintes exprimées quant à la sécurité depuis l’annonce du projet. « Certains pensent que ce n’est pas un projet ficelé alors qu’on a réalisé plusieurs étapes depuis la dernière année. Une fois qu’on a vu que la qualité de l’eau était baignable, on a avancé sur la proposition de ce projet pilote et on a eu tellement de demandes à faire, autant au ministère de l’Environnement qu’à Pêches et Océans Canada et même à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Jusqu’à il y a quelques jours à peine, on attendait encore les autorisations finales pour être sûrs qu’on pouvait aller de l’avant et c’est pour ça qu’on n’a pas pu faire l’annonce progressivement et plus tôt à la population », explique-t-elle.
Dans les dernières semaines, les installations se sont mises en place et certaines personnes en ont déjà profité pour sauter à l’eau. La Ville reconnaît qu’il serait impossible d’empêcher tout le monde de se baigner en dehors des heures permises et mise plutôt sur la sensibilisation et sur un affichage clair.
Améliorations possibles
Dans le cadre de ce projet pilote, la Ville veut tester l’intérêt de sa population face à cette proposition, évaluer les aspects techniques nécessaires à son fonctionnement et identifier des pistes d’amélioration du projet pour éventuellement le rendre permanent.
La Ville veut aussi redonner accès à l’eau à ses citoyens, même ceux qui ne souhaitent pas se baigner dans la piscine en eau vive. « On avance dans le Richelieu et on impose autre chose que le bateau à moteur. Ça va obliger les gens à ralentir et à partager cet espace. On espère que nos voisins de l’autre côté de la rivière vont faire la même chose! Plusieurs sont venus nous voir quand on leur a parlé du projet pour nous demander notre recette », assure Nadine Viau.
Elle veut aussi briser les préjugés face à la qualité de l’eau dans la rivière, ayant une mauvaise réputation qui n’a plus raison d’être selon les tests faits pendant l’été 2023 concluant que, la majorité du temps, il est tout à fait possible de s’y baigner. Belœil loue, pendant tout le projet pilote, un appareil ColiMinder servant à connaître la qualité de l’eau presque en temps réel.
« On fait l’envie de toutes les plages, qui doivent en général attendre trois jours pour savoir si l’eau était correcte ou pas! », lance Mme Viau. Claudia de Courval ne sait pas à quoi ressemblera l’été 2024, mais s’il n’y a pas de pluies abondantes menant à trop des surverses dans le Richelieu, elle s’attend à une eau adéquate pour la baignade 90 % du temps de la durée du projet pilote.
Pendant toute la durée du projet pilote, Belœil désire obtenir l’avis de ses citoyens sur leur expérience. Un sondage doit notamment être rendu disponible en ligne au beloeil.ca/eaux-vives.
Quel impact pour les restaurateurs?
La mairesse Nadine Viau soutient que la piscine en eau vive aura un effet très positif sur les commerçants du Vieux-Belœil, dont les restaurateurs tout près sur la rue Richelieu. « On a rencontré les restaurateurs qui semblent emballés par le projet », commente-t-elle.
Les propriétaires du restaurant Janick, voisin immédiat de la piscine, émettent toutefois un bémol. « On est contents dans la mesure où c’est un projet qui est de bon goût et qui crée un concept intéressant pour amener du monde dans le Vieux-Belœil. Mais c’est dommage que ça enlève des espaces de stationnement et des espaces pour permettre aux bateaux d’accoster. On le sait qu’il y a déjà un enjeu de stationnement dans le Vieux-Belœil et on nous en enlève une dizaine de cases de plus », commente Arnaud Nadeau.
À sa connaissance, son restaurant n’a pas été approché avant que la décision de la Ville soit prise, ce qu’il déplore puisque les deux commerces directement touchés par la piscine sont le Janick et les Brasseurs du Moulin. « Mais si la Ville est à l’écoute et qu’elle est proactive, tant mieux », ajoute-t-il, espérant que la Ville reviendra en arrière et permettra encore à des embarcations motorisées d’arrêter au quai municipal.
Avis divisés au conseil
La séance ordinaire du 25 juin a été très tendue et émotive (voir texte en page 6), notamment sur la question de la piscine en eau vive. Si la mairesse Nadine Viau et les élus de son parti ont grandement vanté les avantages de ce projet, ceux de l’opposition ont émis plusieurs réserves. Notamment, le conseiller Martin Robert, qui a demandé le vote sur la question, a reconnu qu’il s’agissait d’une « idée innovante » qui « répond à un besoin », mais que le montant pour le projet pilote était beaucoup plus élevé que prévu, ce qui « revient cher » pour des heures d’ouverture limitées à 4 heures par jour, selon lui.
Son collègue Vincent Chabot a ajouté que la sécurité des installations n’était pas comparable à ce qui se fait à Copenhague, ville que la plupart des élus de Belœil ont visitée récemment et qui est dotée de nombreuses piscines en eau vive depuis 25 ans. La résolution a finalement été adoptée à 5 voix contre 4.