23 juin 2025 - 05:00
Belœil a sorti le chéquier pour se départir de son ancienne DG
Par : Olivier Dénommée
Martine Vallières et Nadine Viau posant ensemble à l’annonce de la retraite de la directrice générale, en août 2023. Photo gracieuseté

Martine Vallières et Nadine Viau posant ensemble à l’annonce de la retraite de la directrice générale, en août 2023. Photo gracieuseté

Il y a un an, l’ancienne directrice générale Martine Vallières quittait la Ville de Belœil. Selon la version officielle, elle prenait sa retraite de la vie municipale, mais certaines informations nuancent les circonstances de son départ, dont un climat réputé difficile à la Ville, notamment au sein du conseil municipal, de même que le versement d’une indemnité de départ dont la Ville refuse de dévoiler le montant. Sa fin d’emploi aurait coûté quelques centaines de milliers de dollars aux contribuables belœillois, selon nos informations.

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C’est ce que révèlent les états financiers 2023 de Belœil, dont L’Œil Régional a obtenu copie par le biais de sources anonymes. Le document inclut une ligne intitulée « Comptabilisation du coût pour entente de départ à la direction générale », avec un montant associé de 425 000 $, qui n’inclut probablement pas les frais d’avocats impliqués dans le dossier. Ces derniers sont estimés à plus de 12 000 $, selon les chiffres obtenus via une demande d’accès à l’information auprès de la Ville.

Les deux parties concernées ont accepté de commenter la situation. Le montant affiché « fatigue » Martine Vallières, qui est loin d’avoir reçu une telle prime à son départ. La mairesse de Belœil, Nadine Viau, assure aussi que la Ville « n’a pas donné un demi-million à la directrice générale pour qu’elle quitte » et les deux parties s’entendent pour dire que l’ancienne directrice n’a pas été « gourmande » concernant son nombre d’années passées dans l’organisation. Rappelons que Mme Vallières a œuvré à la Ville pendant 23 ans, dont 18 ans comme directrice générale, de 2005 à 2023. Elle a par la suite occupé un mandat de directrice exécutive à la Ville de Belœil pendant six mois, jusqu’à sa retraite le 30 juin 2024.

Si Mme Vallières ne peut dévoiler le détail de l’entente négociée, elle indique que le 425 000 $ affiché inclut le salaire qu’elle a reçu à partir de la signature de l’entente de départ, à la fin août 2023, de même que les contributions de l’employeur à son régime de retraite.

Le journal s’est buté à des refus à ses demandes visant à obtenir des montants ventilés, mais il a été possible de valider qu’elle touchait un salaire de près de 180 000 $ annuellement avant la signature de l’entente et qu’elle a travaillé 10 mois avant de quitter, soit 4 mois comme DG et 6 comme directrice exécutive. Pendant cette dernière affectation, elle était disponible sur appel pour répondre aux interrogations du nouveau titulaire, Michaël Tremblay, entré en poste au début du mois de janvier 2024. « J’ai eu quelques rencontres Zoom avec lui [Michaël Tremblay], mais il a fait le choix de ne pas m’appeler souvent. À son entrée en poste en janvier, je pense qu’on ne s’est parlé qu’à deux reprises. »

Même si ses services n’ont été utilisés que quelques fois, l’ancienne DG de Belœil a touché son plein salaire à ce poste jusqu’au 30 juin de la même année, malgré l’arrêt de travail de M. Tremblay en mai 2024. Martine Vallières a même passé une partie de son mandat spécial en Floride, un voyage qui était déjà prévu et qui ne l’aurait pas empêchée de répondre à toute question de son successeur s’il en avait exprimé le besoin.

Rester ou partir

Martine Vallières a été la première à ouvrir la porte à l’idée de partir. « Au début, je m’étais engagée à terminer le mandat [soit jusqu’en novembre 2025], mais je ne l’aurais pas fait aux dépens de ma santé. »

« Quand elle m’a mentionné qu’elle pourrait possiblement prendre sa retraite dans les prochains mois, on a commencé à travailler sur une transition douce », note Nadine Viau, qui tenait à mettre en place une « transition harmonieuse » avec la nouvelle personne qui serait sélectionnée pour lui succéder. L’entente confidentielle qui a été signée était un « incitatif à la retraite », où tout le monde était « gagnant-gagnant », selon elle. « Personne n’a été poussé à rien. Si elle n’avait pas voulu prendre sa retraite, on aurait travaillé ensemble jusqu’à la fin du mandat », insiste la mairesse.

Différentes personnalités

Des rumeurs persistantes veulent que la relation était difficile entre les deux femmes, qui ont déjà travaillé ensemble à la Ville de Belœil, mais dans des rôles hiérarchiques inversés, lorsque Nadine Viau travaillait à l’urbanisme. Si elles confirment toutes deux avoir eu « une discussion franche » dès l’élection en 2021 pour éliminer tout malaise, elles affirment que cela n’a pas influencé leur relation professionnelle par la suite.

« J’ai été heureuse de pouvoir travailler avec elle et on s’est assuré qu’elle reçoive tous les honneurs qu’elle méritait [avant de partir] », soutient la mairesse au sujet de sa collaboration avec Martine Vallières. « Comme dans toute organisation, elle était plus proche des élus qui étaient là depuis longtemps, et mon style était différent de celui de Diane Lavoie. […] J’ai des idées que je veux partager et je suis là pour insuffler quelque chose de nouveau à l’administration. Ça a changé des regards et il y a eu des éléments qui n’étaient pas toujours simples. Ça aurait pu mal virer avec Martine Vallières, mais elle a été d’un bon soutien. Les tensions étaient pas mal plus avec certains conseillers qu’entre elle et moi! »

Pour sa part, Mme Vallières, qui a travaillé sous l’administration d’autres maires, dont Diane Lavoie pendant 12 ans, note que Nadine Viau a appris très rapidement son nouveau rôle de mairesse. Elle reconnaît que leurs personnalités ne concordaient pas toujours, notamment sur le plan des valeurs. C’est toutefois normal, ajoute-t-elle. « J’ai travaillé 30 ans dans le monde municipal. Changer de patron, ça fait aussi partie de la game. »

Diverses sources ont affirmé au journal que Martine Vallières a déposé une plainte contre Nadine Viau à la Commission municipale du Québec (CMQ) pendant le mandat, ce qui serait venu aux oreilles de la mairesse, minant potentiellement leur relation par la suite, jusqu’au départ de l’ancienne DG. Si Nadine Viau a été rencontrée par des enquêteurs de la CMQ, aucune plainte n’a été retenue à son encontre. Les deux personnes concernées n’ont pas souhaité commenter davantage ces informations de nature confidentielle.

Le meilleur scénario

Pour Nadine Viau, il était certain que Martine Vallières ne se rendrait pas jusqu’en novembre 2025 et le conseil a ainsi « pesé les pour et les contre » pour trouver la meilleure solution pour la suite des choses. L’option retenue, de lui faire terminer son mandat de DG en décembre 2023 et de la garder à l’emploi pendant 6 mois pour assurer la transition, était pour Nadine Viau le meilleur des scénarios, même si la suite ne s’est pas exactement passée comme prévu.

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