Peut-être. Il n’est pas le premier à le faire. On peut trouver des exemples de grandes figures du monde des affaires qui ont fait le même saut. Pensons à Bill Gates, qui a cédé son siège de PDG à Steve Ballmer en 2000 pour, lui aussi, se consacrer à ses tâches de président et à la philanthropie. Plus récemment, le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a fait la même chose en 2021. Ou encore le très populaire Elon Musk, qui a souvent alterné entre des rôles exécutifs et celui de président dans les différentes entreprises qui lui sont associées. Un PDG peut confier la direction à une autre personne tout en restant président pour se concentrer sur la vision stratégique, comme ce serait le cas pour M. Cerruti. Mais il peut aussi le faire pour préparer une transition, réduire sa charge de travail, répondre aux exigences des investisseurs ou simplement secouer le leadership face à l’adversité.
Faut-il donc s’inquiéter pour l’avenir de l’usine à Saint-Basile-le-Grand et McMasterville en raison de cette transformation? Il semble que non. Nos élus se disent rassurés par les réponses de l’entreprise, et l’usine est encore sur la table.
Et peut-être que M. Cerruti en avait juste un peu trop entre les mains. Lorsque j’ai passé une heure avec lui autour d’un verre, dans le cadre d’un article publié dans nos pages en novembre 2023, j’ai clairement eu la chance de rencontrer un homme extrêmement brillant, cultivé et ingénieux. On ne pouvait qu’être impressionné devant cet homme qui parle de nombreuses langues, qui a un parcours d’ingénieur et d’entrepreneur remarquable et qui a réussi à convaincre les grandes entreprises de ce monde de le suivre dans son projet de plusieurs milliards. Mais je me souviens de ce que Laurent Therrien, directeur des communications et des affaires publiques de Northvolt, présent lors de l’entretien, m’avait dit. Après avoir travaillé avec plusieurs PDG, il avait remarqué que ces derniers avaient souvent une vision très horizontale de leur entreprise, dans le sens où ils supervisaient le fonctionnement des départements, mais creusaient rarement le day-to-day. « Paolo a cette capacité très horizontale, mais il descend profondément auprès des ingénieurs, des finances, des relations clients; il a une compréhension profonde de Northvolt. »
C’était peut-être juste trop, à la fin, de gérer l’entreprise au quotidien tout en développant sa vision d’avenir, dans un contexte où Northvolt fait face à de nombreux défis financiers.
Tout ça pour dire que le départ de Paolo Cerruti ne signifie peut-être pas grand-chose dans le grand ordre des choses pour l’entreprise. Amazon, Microsoft ou les entreprises de Musk ont survécu aux départs de leurs fondateurs.
Ah… une chose, par contre. ces derniers sont partis alors que leurs entreprises étaient au sommet. M. Cerruti part alors que la jeune entreprise traverse une crise. Les analystes de Forbes et du Business Insider y verront peut-être juste un changement de leadership, mais pour le reste de la population (et moi), on peut se demander si cela n’envoie pas juste un très mauvais message.
