Depuis le 17 juillet, l’artiste qui vient d’avoir 14 ans passe l’essentiel de ses journées à travailler sur « Explosions colorées », divisée en quatre parties, sur chacun des piliers octogonaux en béton soutenant le pont au-dessus de la rue Richelieu. « La première colonne m’a pris six jours de travail, la deuxième aussi. Faire les lignes noires, c’est ce qu’il y a de plus long comme je les fais au pinceau », a expliqué l’artiste lors d’une visite de L’Œil Régional.
Pendant l’entrevue, quelques passants ont spontanément exprimé tout leur émerveillement devant la beauté que le jeune était en train de faire jaillir dans le secteur. « Les gens arrêtent souvent en auto et baissent leurs vitres pour le féliciter », confirme sa mère, Geneviève Aubé. Une belle tape dans le dos pour Charles Cloutier, qui voulait justement apporter du bonheur avec ses graffitis colorés. « Je suis content, mon but était de faire sourire les gens et de leur montrer que les graffitis, c’est plus que juste de tags. »
« Chaque colonne a ses propres couleurs. Bleu, jaune et orange, vert, et rose et mauve. Je n’ai pas de thèmes particuliers dans mes dessins; deux d’entre eux comportent plusieurs éléments regroupés, les deux autres sont des personnages », note Charles Cloutier, rappelant que même si les quatre piliers seront très différents les uns des autres, ils ne forment qu’une seule grande œuvre. L’artiste attend d’ailleurs à la toute fin de son projet avant de signer son œuvre.
Comme un adulte
Le projet ne s’est pas improvisé sur le coin d’une table, bien au contraire : Charles, qui dessine depuis toujours et qui aime s’inspirer de différents artistes sur YouTube, a eu envie d’essayer ce médium de façon légale. « J’ai fait mes recherches sur le graffiti et j’ai lu des livres sur le sujet à la bibliothèque. Au début, j’avais créé un seul dessin et j’ai écrit à la mairesse [Nadine Viau], qui m’a conseillé de contacter la coordonnatrice arts et culture à la Ville, Chantal Lebel. Elle a bien aimé mon projet et je l’ai rencontrée cet hiver, mais elle trouvait bizarre de ne peindre que sur une colonne, alors elle m’a demandé de faire les quatre », raconte-t-il. Et même si cela quadruplait le travail qu’il avait en tête, il a accepté le défi et a imaginé trois dessins supplémentaires, tout d’abord sur papier, puis transposés sur tablette avant de les peindre sur les piliers.
L’adolescent a même rempli une demande de subvention en bonne et due forme, qui lui a permis d’obtenir 1000 $ pour le matériel et un cachet de 500 $ pour son travail. Le ministère des Transports lui a aussi accordé la permission de peindre sur sa propriété avec comme seule restriction de ne pas toucher à la petite pancarte avec le numéro du pont. « On a été bien accompagnés par la Ville, qui a aussi mis Charles en lien avec un graffiteur professionnel pour qu’il puisse lui poser des questions. Ils ont pu échanger quelques courriels. Mais toute la démarche vient de lui, qui est très organisé et qui a fait ça comme un adulte », souligne sa mère.
Défi important
« Explosions colorées » n’est que le troisième graffiti à vie de Charles Cloutier, qui s’est fait la main avec cette forme d’art pour la première fois quelques semaines avant le début de ce projet. « Au départ, je devais avoir terminé pour le 2 août, mais j’ai réalisé que ça prendrait beaucoup plus de temps. Du trottoir, on peut croire que les colonnes ne sont pas très grandes, mais ce n’est pas le cas! » Ajoutons les grosses pierres autour des piliers qui rendent la navigation difficile.
L’endroit a toutefois l’avantage d’offrir une protection contre les éléments comme le soleil et la pluie, ce qui permet de croire que l’œuvre restera belle pendant de longues années. Charles Cloutier espère ainsi qu’« Explosions colorées » va continuer de faire sourire les passants pendant encore longtemps après avoir complété son travail. Une plaque devrait aussi éventuellement faire son apparition, directement sur une des poutres ou à proximité de celles-ci.
L’amour du dessin
Charles Cloutier n’est pas le jeune le plus bavard, mais il manie le crayon et les couleurs avec une grande aisance. Il se dit inspiré d’autres artistes tels que Vexx (Belgique) et Gawx (Mexique) et peaufine son propre style, comprenant plusieurs éléments empilés les uns sur les autres et des personnages aux grandes oreilles. « Explosions colorées » correspond d’ailleurs assez bien au style qu’il explore au quotidien.
Depuis qu’il travaille sur les piliers sous le pont Jordi-Bonet, il a reçu quelques propositions pour des petits contrats privés. « Des gens m’ont approché pour faire un graffiti dans leur garage ou des dessins pour eux », mentionne-t-il. Son art distinctif sera aussi bien en vue sur la couverture de l’agenda 2023-2024 à l’école secondaire Ozias-Leduc, où il étudie. Quant à l’avenir, toutes les portes semblent ouvertes pour Charles. « Ça pourrait m’intéresser de devenir artiste professionnel plus tard, ou quelque chose qui a un lien avec le dessin, comme architecte », estime-t-il.