La gratuité du transport a été annoncée et adoptée par les villes de Belœil et McMasterville et la société de transport exo en août dernier. Les trois entités disent essentiellement la même chose : en favorisant la gratuité sur certaines lignes, on souhaite que plusieurs automobilistes délaissent la voiture au profit d’un mode de transport actif. J’en suis, bien évidemment. Moins d’autos, moins de gaz à effet de serre.
Mais il semble que la mesure… ne soit pas la bonne. C’est dans La Presse, sous la plume d’Alexandre Sirois, qu’on l’apprend. Dans un article publié le 4 septembre dernier, l’éditorialiste rapporte les propos de Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité. Selon elle, les automobilistes ne seraient pas si sensibles au coût du déplacement. S’ils l’étaient, on ne verrait pas autant de gros véhicules sur les routes, par exemple. Il semble que la gratuité des transports ne convertisse pas les mentalités des automobilistes, mais celle des piétons et des cyclistes.
« Avec une telle mesure, on ne ferait pas diminuer de façon significative le nombre de véhicules en circulation, mais on augmenterait l’achalandage du métro et des autobus et aussi, vraisemblablement, l’insatisfaction des usagers », ajoute Jean-Philippe Meloche, professeur de l’Université de Montréal. On peut sûrement penser que cette réflexion s’applique à Belœil et McMasterville.
L’éditorialiste démontre que l’argent investi en transport collectif a un impact plus direct que la gratuité du transport sur l’affluence. Donc, en gros, au lieu d’offrir un service gratuit, les deux villes pourraient plutôt profiter de cette entrée d’argent pour la réinvestir dans un réseau de qualité.
Les différents articles publiés par L’ŒIL dans la dernière année ont montré que des services comme exo à la demande ont connu de nombreuses ratés. Beaucoup d’utilisateurs se sont plaints de la qualité de l’offre. Et c’est peut-être là le problème : pas le prix d’entrée, mais la fiabilité du réseau. J’en reviens à l’idée de Mme Morency : le coût du billet n’a pas tant d’impact. J’ajouterais que l’utilisation du réseau doit surtout être facile, simple. Si on ne peut pas se fier à un bus qui vient nous chercher à l’heure, aussi bien se rendre au travail en voiture.
Donc, faut-il revenir en arrière? Pas nécessairement. La gratuité envoie quand même un message. C’est une nouvelle étape qu’on peut saluer et le conseil municipal actuel de Belœil, qui se veut progressif, y tenait. Et il a convaincu les élus de McMasterville d’embarquer dans la proposition, même si le maire Martin Dulac était plutôt réfractaire à l’idée. « Rappelons que l’on ne parle pas vraiment de gratuité, mais plutôt d’un transfert des coûts des utilisateurs à l’ensemble de la population », soulevait-il en août dernier.
Donc, oui, ça reste probablement une bonne idée, si je me fie à mon instinct. Mais l’instinct ne résiste pas nécessairement à l’épreuve des faits. Il faudra donc chiffrer la mesure dans les prochaines années pour voir si l’investissement s’est traduit par une plus grande utilisation des transports. Et surtout, moins de voitures dans nos rues. D’ici là, tempérons notre joie et attendons de voir si nous sommes efficients ou tout simplement vertueux.