27 mars 2019 - 17:34
D’abord une boîte à livres
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Le croque-livre de la rue Richelieu, installé juste devant la Maison culturelle Villebon, à Belœil, est presque devenu un running gag au bureau. Presque chaque jour, lors de ma marche pour respirer un peu et laisser le travail derrière, je passe devant le croque-livre et je prends une photo des « petits trésors » qu’on y trouve.

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Pour les profanes en la matière, un croque-livre est une boîte où l’on peut y déposer des livres ou en prendre. L’idée du partage y est centrale; on peut se servir et prendre un livre sans problème, gratuitement; il est toutefois implicitement entendu que l’on devra éventuellement y déposer des livres à notre tour. On fait profiter nos découvertes aux autres et on profite du fait même des livres des autres. Du partage, quoi!
Sur papier, oui. En pratique, le croque-livre de la rue Richelieu est une poubelle. Je dois passer devant 100 fois dans une année. En 100 fois, ma collègue a pris un seul livre, une édition illustrée d’Anges et Démons, de Dan Brown. Belle pêche!
Le reste du temps, la boîte ressemble à un ramassis pathétique de livres abandonnés par leur propriétaire. Probablement des biens pensants qui se donne bonne conscience en partageant le savoir au lieu de brûler leurs livres, tels des inquisiteurs.
Des exemples? Bien sûr, j’en ai pour vous! Je parle d’un livre d’Agatha Christie tellement vieux et à la reliure si endommagée que son ancien propriétaire a dû le mettre dans un sac Ziploc, car les pages s’en détachaient toutes. Des revues de jardinage encore dans leur plastique, des romans Harlequin tachés (on ne sait pas de quoi), le fameux Guide de la route pour apprendre à conduire (et pas n’importe quelle édition, je parle de la fameuse édition 2001, sûrement très à jour), un livre scolaire d’introduction à la littérature anglaise (j’y trouve beaucoup de livres d’école), le Petit carnet du secouriste en milieu de travail, beaucoup trop de livres sur la recherche de Dieu et sur la perte de poids (ne cherchez pas le lien). Parfois, les bouquins sont en si mauvais état que la poubelle (oups, le bac de recyclage) aurait été la destination de prédilection.
J’écris souvent sur le sujet des réseaux sociaux, principalement sur tout le mal qui en ressort. Si parfois je me dis que les commentaires haineux et peu réfléchis ne représentent qu’une mince frange de la pensée des gens, parfois, je me dis que les réseaux sociaux sont aussi le reflet de ce que nous sommes. Et lorsque je passe devant le croque-livre, chaque semaine, j’ai deux réactions : d’abord, je ris et je suis excité pour ma prochaine photo. Puis, je suis déçu de nous. Si tu ne peux même plus avoir foi envers les lecteurs et les amoureux des livres.
Puis, je me calme. C’est juste une petite boîte à livres dans le fond.

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