Stéphane Lussier Johnson a davantage été actif sous son nom de plume Steve Requin, avec lequel il a notamment écrit dans des parutions humoristiques. Mais il est aussi un amoureux d’histoire, lui qui gère la page Facebook « Autour du mont St-Hilaire d’autrefois », où il partage des photos d’archives de la région. Après avoir partagé de vieilles images de la raffinerie, il a été contacté par le petit-fils de Louis Pasquier, qui voulait partager la boîte d’archives dont il avait hérité et qui voulait rétablir la réputation de celui qui s’est « fait avoir, magouiller et manigancer » par Duplessis lorsqu’il était en poste.
« J’ai découvert un aspect du règne de Duplessis dont on n’a jamais vraiment parlé jusqu’à présent. Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur lui, mais ceci est une nouvelle page de l’histoire du Québec », affirme l’auteur, qui a consacré trois années de travail à peaufiner ses recherches avant de publier l’ouvrage aux Éditions du Tullinois. Il assure d’ailleurs qu’il n’avait aucun parti pris contre Maurice Duplessis au début de son travail, mais reconnaît que le livre ajoute une nouvelle tache à l’histoire de l’ancien premier ministre de l’Union nationale.
Toute l’histoire de la raffinerie
Le sucre rouge de Duplessis raconte de façon assez exhaustive l’histoire de la raffinerie de sucre et des débats politiques entre les « Rouges » et les « Bleus » – respectivement le Parti libéral et l’Union nationale – dans les années 1930 jusqu’à l’arrivée du gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960, avec quelques détails sur les déboires de l’industrie menant à sa mort en 1986. L’essentiel de l’ouvrage s’intéresse toutefois aux manœuvres faites dans l’ombre par Duplessis pour saboter les succès de la raffinerie lorsqu’elle était sous la supervision de l’agronome Louis Pasquier. « Tout est documenté : je n’ai rien inventé dans le livre, mis à part l’introduction qui est une scène que j’ai imaginée parce qu’on ne saura jamais exactement ce qui s’est dit derrière les portes closes. »
Ainsi, selon Stéphane Lussier Johnson, le péché originel de la raffinerie est le fait qu’elle soit la création du libéral Adélard Godbout. Pendant ses années au pouvoir, Duplessis a tout fait pour faire du « sabotage subtil » afin de justifier sa fermeture, mais l’arrivée en 1946 de l’agronome français Louis Pasquier, sommité sur la question du sucre de betterave, a rebrassé les cartes. « Le problème avec Pasquier, c’est qu’il était trop compétent : en quelques années, il a fait passer l’usine de 400 000 $ de déficit à 900 000 $ de profit, un montant énorme pour l’époque. »
Le gouvernement lui a finalement montré la porte à l’hiver 1951 et a tout fait pour entacher sa réputation, l’accusant notamment de « fraude, d’usage illégal de matériel appartenant à la raffinerie pour son usage personnel et de détournement de fonds », ce qui a d’ailleurs nui à sa vie professionnelle à son retour en France, bien qu’il n’ait jamais été trouvé coupable de quoi que ce soit et que les médias québécois de l’époque n’ont pas cru les accusations du gouvernement. Toutefois, comme l’Union nationale a « fait le ménage » à la raffinerie et pris son contrôle de façon opaque jusqu’en 1960, seul le discours officiel a filtré de ce qui s’y passait pendant de longues années, ce qui a mis fin aux scandales jusqu’à la mort lente de l’usine.
Selon Stéphane Lussier Johnson, ce livre réussit à la fois à réhabiliter la mémoire de Louis Pasquier en plus de montrer un pan méconnu de l’histoire du Québec et de la région de la Vallée-du-Richelieu. « Je pense que c’est un livre qui s’adresse aux gens qui ont à cœur l’histoire de notre région. » L’auteur sera en séance de signature à l’occasion des festivités de la fête nationale le 24 juin au parc de la Gare, soit en plein dans le quartier où se trouvait autrefois la raffinerie de sucre.
Le sucre rouge de Duplessis de Stéphane Lussier Johnson, publié ce printemps aux Éditions du Tullinois, est en vente dans la plupart des librairies.
D’autres livres en chantier
Stéphane Lussier Johnson a déjà d’autres projets de livre en tête. « Je veux raconter les personnalités qui sont passées par ici au fil des années, comme Terry Fox qui a couru sur la 116 à Mont-Saint-Hilaire ou encore le criminel Jacques Mesrine. […] J’aimerais aussi écrire un livre sur les légendes rattachées à la région, comme le tigre de Sainte-Madeleine. Dans mes prochains livres, mon but est de parler de notre région et des faits amusants que les gens ont oubliés plutôt qu’un livre qui aurait un impact sur l’histoire du Québec en entier. »