6 juillet 2022 - 07:00
Exposition au MBAMSH
De l’inspiration, D’une montagne à l’autre
Par: Olivier Dénommée
L'exposition D'une montagne à l'autre, actuellement au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, est le fruit d'un échange artistique international entre trois artistes de Mont-Saint-Hilaire et trois d'Aix-en-Provence, en France. On reconnaît, à gauche, les artistes hilairemontais André Michel, Tania Lebedeff et Réal Calder et, à droite, les artistes aixois Ninon Anger et Don Jacques Ciccolini. Il ne manque qu'Isabelle Litschig, qui n'a pas pu se déplacer pour l'occasion.
Photo Adam Bolestridge | L'Œil Régional ©

L'exposition D'une montagne à l'autre, actuellement au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, est le fruit d'un échange artistique international entre trois artistes de Mont-Saint-Hilaire et trois d'Aix-en-Provence, en France. On reconnaît, à gauche, les artistes hilairemontais André Michel, Tania Lebedeff et Réal Calder et, à droite, les artistes aixois Ninon Anger et Don Jacques Ciccolini. Il ne manque qu'Isabelle Litschig, qui n'a pas pu se déplacer pour l'occasion. Photo Adam Bolestridge | L'Œil Régional ©

On ne compte plus le nombre d’artistes qui se sont établis dans la région pour sa proximité au mont Saint-Hilaire ni ceux qui s’avouent inspirés au quotidien par sa vue. L’exposition D’une montagne à l’autre, mettant de l’avant trois artistes de Mont-Saint-Hilaire et trois d’Aix-en-Provence, permet de constater que la montagne Sainte-Victoire a le même effet sur les artistes de cette région de la France.

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Il s’agit d’un premier échange artistique international entre la France et le Canada impliquant Mont-Saint-Hilaire, avec la collaboration du Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire (MBAMSH), qui accueille en premier l’exposition avant que celle-ci voyage jusqu’à Aix-en-Provence. La démarche derrière les six artistes consiste à faire interagir les univers picturaux d’Ozias Leduc, qui a passé toute sa vie au pied du mont Saint-Hilaire, et de Paul Cézanne, qui a fait de même au pied de la Sainte-Victoire.

« L’idée derrière l’exposition est de faire un parallèle entre les deux montagnes et le rapport presque amoureux qu’ont les artistes avec elles, de leur rendre hommage et de dire à quel point ce sont de beaux lieux naturels qu’il faut protéger. Chaque artiste les représente différemment », explique Réal Calder, un des trois artistes de Mont-Saint-Hilaire participant à ce projet. Il est accompagné d’André Michel et de Tania Lebedeff, tous membres du Collectif des artistes professionnels de Mont-Saint-Hilaire. Les trois artistes d’Aix-en-Provence sont Don Jacques Ciccolini, Ninon Anger et Isabelle Litschig. « Cela fait longtemps qu’on travaille ce projet-là, qui est sous l’égide de l’Association nationale France-Canada. On le présente cet été à Mont-Saint-Hilaire, puis on l’amène l’été prochain à Aix, à la Galerie de la Manufacture, une salle beaucoup plus grande qu’ici. Même les artistes de là-bas se sentent privilégiés de pouvoir y exposer! », note André Michel, qui croit que cet échange aidera à faire rayonner notre région outre-Atlantique.

Dualité

Avec ses quelque 400 m d’altitude et sa superficie de 16 km2, le mont Saint-Hilaire est bien petit comparativement à la Sainte-Victoire, d’une altitude de 1000 m et d’une superficie de 160 km2, mais les deux ont bel et bien le même effet sur ceux qui les côtoient. « La relation est très forte avec notre montagne. Quand je me lève le matin, c’est ce que je vois », confirme Don Jacques Ciccolini, pointant ses œuvres où on voit très bien le flanc nord de la montagne, une perspective différente de celle qu’avait Cézanne. Ninon Anger remarque quant à elle que, même si elle s’appelle la Sainte- Victoire, sa montagne est beaucoup moins « féminine » que le mont Saint-Hilaire, tout en courbes.

Cette dualité entre les deux monts est bien mise de l’avant dans le catalogue de l’exposition, dont le texte est signé par Marie-Andrée Leclerc.

Vue sur le mont Saint-Hilaire

Les trois artistes hilairemontais ont été dans des directions complètement différentes pour illustrer leur vision du mont Saint-Hilaire. André Michel, qui s’avoue beaucoup plus à l’aise de peindre des visages que des paysages, s’est prêté au jeu en peignant quatre « fenêtres » sur Wigwomadensis (le nom abénakis du mont Saint-Hilaire), à toutes les saisons. Les saisons sont d’ailleurs identifiées sous leur nom dans la langue abénakise. « Je commence par le printemps, saison avec laquelle l’année débute pour les Abénakis, et j’ai inclus des éléments schématisés pour représenter les différentes saisons. Dans la quatrième œuvre [”Pbon – L’hiver”], je représente l’Innu qui a changé ma vie », explique M. Michel. Cette dernière toile fait également un lien avec la densification qui s’intensifie au pied de la montagne.

L’artiste hilairemontais Réal Calder a créé deux imposants diptyques montrant différents points de vue du mont Saint-Hilaire. Dans « Mont Saint-Hilaire I » (photo), on voit la montagne de la perspective de Belœil à l’automne, sans les bâtiments, mais avec un paysage brumeux, symbole de l’oxygène qui se dégage de cet espace naturel qu’il faut préserver.
Photo Adam Bolestridge | L’Œil Régional ©

De son côté, Réal Calder a créé deux imposants diptyques montrant deux points de vue de cette même montagne. « Je mets mes deux tableaux en opposition. Le premier est une vue de très loin, de la perspective de Belœil ou de Saint-Basile, où on voit des arbres, mais pas les bâtiments, à l’automne. Il y a beaucoup de vapeur qui représente la présence de l’oxygène généré par le mont. L’autre point de vue est de très près, au début de l’hiver : c’est venteux, il y a de la neige, et on voit surtout la force et la présence de la falaise. Je démontre ici son côté massif qui déborde de la toile », raconte M. Calder.

Tania Lebedeff a plutôt choisi l’avenue des légendes du mont Saint-Hilaire pour sa série d’œuvres. « Ce ne sont pas des légendes très connues, même des gens de la région, comme la grotte des fées, les portes de fer, aussi appelées par certains les portes de l’Enfer, le cheval blanc ou encore la fée des pommes. » Chaque tableau illustre donc une de ces histoires, accompagné d’une petite explication à côté de l’œuvre. En arrière-plan, on reconnaît aussi le mont Saint-Hilaire, même s’il est bien plus discret que dans les créations des comparses de Mme Lebedeff.

Vue sur la Sainte-Victoire

Tout comme les artistes de Mont-Saint-Hilaire, les trois peintres d’Aix-en-Provence ont créé des œuvres complètement différentes les unes des autres en peignant la Sainte-Victoire. L’artiste paysagiste Don Jacques Ciccolini reconnaît que « dans l’imaginaire collectif, la Provence ne ressemble pas à [ses œuvres] », mais fait remarquer que la Provence n’est pas une région très « colorée », bien qu’on y trouve beaucoup de lumière. « Cela fait des ombres très marquées », précise-t-il. Sa série de tableaux représente les quatre saisons avec la même vue, à partir de chez lui, à Pertuis, à quelques kilomètres au nord de la Sainte-Victoire. « J’ai un peu triché en mettant un peu plus la montagne en évidence, mais pas beaucoup! »

L’Aixois Don Jacques Ciccolini a créé quatre toiles représentant la perspective qu’il a de la Sainte-Victoire à partir de chez lui pendant les différentes saisons.
Photo Adam Bolestridge | L’Œil Régional ©

Les œuvres de Ninon Anger se démarquent quant à elles par le fait qu’elles sont créées sur rouleaux de papier, permettant de voir d’un croquis à l’autre l’évolution de son interprétation de cette même montagne au fil des mois. « La technique du rouleau tenu entre des bâtons permet de créer sur place. J’avais envie de travailler de cette façon parce que la montagne change tout le temps, mais je n’avais aucune idée de ce qui en sortirait! » Le résultat – les quatre longs rouleaux de papier étendus les uns au-dessus des autres, cumulant des dizaines de représentations de la Sainte-Victoire –, elle l’a vu pour la première fois au moment de l’entrevue au Musée. « Je sens la progression… Ça devient plus précis par moments; ça s’échappe et ça revient par la suite », analyse Ninon Anger sur ses propres œuvres, qui ont changé de palette de couleurs à quelques reprises au fil du processus, alternant entre le monochrome et la couleur. On remarque aussi que les rouleaux sont de plus en plus larges. « J’ai commencé petit parce que je ne savais pas où je m’en allais, mais je voulais toujours plus grand! », admet-elle candidement.

Les œuvres d’Isabelle Litschig, des peintures sur canevas sombre, semblent représenter la montagne comme si elle était en lévitation. « J’ai travaillé avec elle la première année du projet, nous nous donnions rendez-vous tous les jeudis au pied de la montagne pour faire des croquis », raconte Ninon Anger au sujet de la démarche commune avec Isabelle Litschig, reconnaissant que le résultat final n’a rien à voir avec ses propres créations. « Après nos sorties à la montagne, elle a travaillé en atelier. C’est une artiste qui a énormément d’énergie. Elle pourrait faire bouger des montagnes, c’est le cas de le dire! », commente-t-elle au sujet de la seule artiste du groupe qui n’a pas été en mesure de prendre l’avion pour le vernissage.

Le vernissage, tenu le 19 juin, a rassemblé 200 convives qui ont pu apprécier la qualité et la diversité des œuvres présentées. L’exposition restera en place jusqu’au 12 septembre, avant de prendre son envol à Aix-en- Provence à l’été 2023.

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