25 mai 2022 - 07:00
Élections municipales
Democratik, un redoutable outil électoral
Par: Olivier Dénommée
Alexandre Foisy, fondateur et PDG de Democratik. Photo gracieuseté

Alexandre Foisy, fondateur et PDG de Democratik. Photo gracieuseté

L’entreprise Democratik, fondée et basée à Laval, est probablement inconnue du grand public, mais elle devient de plus en plus connue des politiciens, et ce, à tous les niveaux. Dans la région, au moins trois partis à Belœil et à Mont-Saint-Hilaire ont profité de son expertise lors de l’élection municipale de novembre dernier. L’ŒIL en a profité pour discuter avec son fondateur et président-directeur général, Alexandre Foisy.

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Créé en 2013 dans la foulée de la commission Charbonneau, Democratik devait initialement être un organisme sans but lucratif pour aider de nouveaux joueurs à se lancer en politique municipale contre des machines électorales bien huilées. « Mon ami Frédéric Lapointe, anciennement de la Ligue d’action civique, avait fait le constat qu’il n’y avait aucun moyen de se lancer en politique sans s’attacher à une firme de communications, de génie civil ou d’avocats. Il n’y avait pas vraiment de logiciels à l’époque, sauf pour ceux qui avaient des centaines de milliers de dollars à cracher », raconte Alexandre Foisy.

Il ajoute que les lois électorales sont parmi les plus « contraignantes et exigeantes » au Québec et que les néophytes s’y perdent très facilement. « Les gens ne savaient pas comment faire imprimer des pancartes et ne connaissaient pas toutes les lois. Quelqu’un qui voulait se présenter avec un objectif, par exemple la protection d’un parc de la municipalité, se retrouvait complètement démuni. Il fallait donc l’outiller avec quelque chose d’accessible et c’est là-dessus que j’ai bâti mon entreprise », poursuit-il.

M. Foisy voit Democratik comme un « catalogue d’outils pour les politiciens », offrant un large éventail de services à la carte. Le tout, en ne prenant jamais parti. Les clients pourraient notamment faire imprimer leurs pancartes électorales, leurs accroche-porte, des cartes d’affaires ou des cartes postales, ou encore bénéficier des services du logiciel Democratik qui gère les précieuses données électorales. « On offre aussi un module de cartographie pour cibler des zones qui, selon Statistique Canada, correspondent à tel ou tel critère. Par exemple, on pourrait savoir dans quelle zone se trouve le plus de vélos ou dans quelle zone les gens sont pris dans le trafic le plus longtemps pour se rendre au travail ou même vers quelle heure les gens se lèvent pour aller travailler, illustre-t-il. Ça permet aux politiciens d’être plus chirurgicaux dans leur approche, de parler de la bonne chose aux bonnes personnes. »

« Certains voient négativement le fait que les politiciens segmentent leur message, mais c’est la nouvelle société dans laquelle on vit : le temps de concentration n’est pas très élevé et très peu de gens vont prendre le temps de vraiment lire une plateforme électorale. C’est donc important de miser sur ce qui concerne les personnes sur la plateforme! », justifie d’ailleurs Alexandre Foisy.

S’il n’est pas en mesure de quantifier exactement l’impact réel de Democratik par rapport à des outils concurrents, il estime que les mesures pour « faire sortir le vote » le jour du scrutin ont pour effet d’augmenter le taux de participation de 20 %. « Est-ce que quelqu’un avec une autre machine peut faire la même chose? Probablement. Est-ce que notre machine fait beaucoup plus de choses [que les concurrents]? Probablement. Est-ce qu’on a un support technique vraiment efficace qui répond en quelques minutes pendant les élections? Totalement! » Des prétentions qui sont appuyées par Nadine Viau d’Oser Belœil, qui n’a vu que du positif à son expérience avec Democratik pendant la dernière élection.

Des milliers de clients
Si, au départ, Democratik attirait surtout des candidats en opposition aux partis au pouvoir, de plus en plus de candidats de différentes allégeances font maintenant appel à ses services. « Ce n’était pas très lucratif au début, mais maintenant, on essaie de répondre à la demande et, dans certaines municipalités, tout le monde fait affaire avec nous », note M. Foisy. Lors de la dernière élection générale, il estime entre 5000 et 6000 le nombre de ses clients divisés entre 150 partis à travers le Québec. Cela inclut les principales formations politiques des villes de Montréal et de Laval, mais aussi de plus petites municipalités partout au Québec.

Belœil et Mont-Saint-Hilaire sont d’ailleurs loin d’être les plus petites villes où Democratik a fait une différence. Alexandre Foisy estime que L’Épiphanie est parmi les plus petites municipalités où son entreprise a travaillé depuis ses débuts. Les tarifs sont modulés selon le nombre d’habitants pour que chaque municipalité ait la chance d’avoir accès à ses services. « Notre éventail de prix va donc d’environ 300 $ [pour les très petites municipalités] à plus de 15 000 $ pour notre licence, mais c’est encore très raisonnable si on se compare avec les États-Unis. Reste qu’on vit une révolution en ce moment [dans la façon de mener des élections] », relativise-t-il.

M. Foisy soutient que la donne électorale a énormément changé ces dernières années et qu’on ne peut plus rejoindre les électeurs de la même façon qu’il y a quelques décennies. « Le téléphone n’est plus d’actualité. À l’époque, on pouvait rejoindre de 45 à 55 % de la population par téléphone; maintenant c’est à peine 25 %. Ce sera un enjeu dans les dix prochaines années. » Il note toutefois que le porte-à-porte retrouve plus que jamais ses lettres de noblesse, même aux paliers provincial et fédéral.

S’il croit que l’usage de services comme ceux de Democratik continueront de croître dans le futur, Alexandre Foisy sent qu’il a atteint un certain palier au Québec. « Si tu ne l’utilises pas, c’est probablement que tu ne veux vraiment pas! La prochaine génération de politiciens risque d’être plus technophile, mais je crois que c’est ailleurs au Canada qu’on aura le plus de croissance », prédit-il.

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