4 juin 2020 - 14:12
Désobéir
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Sur sa page Facebook, le chanteur Daniel Tadros coupe un ruban, plein sourire, pour protester contre les mesures sanitaires. Je vous invite à lire la nouvelle sur notre site web.

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C’est idiot et anecdotique à la limite. C’est toutefois dans le journal pour trois raisons. À cause du geste de « libération », la Ville a décidé d’installer des blocs de béton. Ensuite, l’homme pourrait recevoir une contravention pour son geste, ce qui en fait un événement d’intérêt public. Finalement, par une certaine popularité média- tique, son geste a obtenu un certain écho dans les médias sociaux et le discours de M. Tadros commence à se propager.
Peut-être par curiosité mal placée, mais je me surprends depuis à visiter la page du chanteur pour voir ce qu’il a publié lors de ma tournée (de plus en plus pénible) des médias sociaux. Je ne savais pas trop pour- quoi jusqu’à ce que je lise une phrase qui m’a complètement sonné.
« De la désobéissance sociale moi ? », dit le chanteur alors qu’il déambule sans masque à l’épicerie pour montrer qu’il est un rebelle; en fait, qu’il n’est pas un « mouton », le terme que les conspirationnistes utilisent ad nauseam pour décrire tous ceux qui suivent les règles gouvernementales.
Non, non et re-non. La désobéissance sociale ou civile a le dos bien large, mais quand tu décides de ne pas respecter les lois parce que tu ne crois pas au virus, tu n’es pas un rebelle. Tu es juste… ah je vais me taire.
La désobéissance civile est un concept complexe. Oui, résister à ses élites politiques, au gouvernement ou aux lois parce que notre conscience nous le dicte est un des aspects de la désobéissance sociale. Mais c’est plus nuancé.
Dans un balado sur le sujet, le député Gabriel Nadeau-Dubois résume bien selon moi les grandes lignes de la désobéissance civile. C’est d’abord un geste public et pacifique. C’est parfois, selon les penseurs, un geste collectif (donc pas juste toi avec des ciseaux). C’est aussi idéalement un geste de dernier recours, par exemple si la contestation légale a échoué. Finalement, et c’est le plus important selon moi, c’est un geste conscient et conséquent.
Et c’est ici que le bât blesse. Si tu n’écoutes pas les recommandations de la santé publique, si tu discrédites tout ce qui provient des organismes de santé publique, si tu ne veux pas prendre en compte ce qu’on trouve dans les médias, car les « médias font partie du complot », et bien tes gestes et tes paroles ne sont pas conséquents. S’abreuver dans les médias alternatifs en cherchant seulement les articles qui font notre affaire ou qui renforcent notre pensée n’est pas un exemple de pensée critique. C’est tout le contraire.
Si tu fais 20 ans de prison en cohérence avec tes actions comme Nelson Mandela, tu peux dire que tu es rebelle. Si tu n’écoutes pas ton prof en classe, car tu es un « électron libre », je dois te dire que tu n’es pas un rebelle; t’es juste un ti-crisse.
Si tu coupes des rubans pour protester contre les mesures sanitaires parce que ton système immunitaire est assez fort et que tu en veux au gouvernement de t’avoir suggéré de porter un masque en pleine pandémie, tu ne fais pas de la désobéissance civile. T’es juste un… ah, je vais me taire encore.

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