La position d’Onier Perrier, archiviste à la Société d’histoire des Riches-Lieux, marque l’imaginaire : « Je suis persuadé qu’on a ici un Disneyland patrimonial et historique. Après Québec et Montréal, notre région est le troisième pôle [historique] au Québec. Si on voulait, on pourrait attirer les familles et les occuper pendant deux jours tellement il y a de choses à voir. Évidemment, ce n’est pas fait et on part de très loin. » Car si la valeur patrimoniale de la région est très grande par ses liens avec les Patriotes, la population et, par ricochet, les budgets pour mettre de l’avant ce patrimoine sont très petits dans les villages de Saint-Charles et de Saint-Denis.
À ce jour, malgré les efforts de certains citoyens engagés des deux municipalités, la quasi-totalité des gens de la région ignore toujours où se trouvent les champs de bataille opposant les Patriotes aux Britanniques en 1837. « Les gens ont été tellement marqués par la défaite des Patriotes qu’ils n’en ont jamais parlé à leurs enfants. […] Aujourd’hui encore, on n’en parle pas assez dans nos écoles et on en parle rarement en bien », déplore Onil Perrier, qui trouve « incroyable » que rien n’ait encore été fait pour commémorer ces deux champs de bataille historiques, dont celui de la seule victoire des Patriotes à Saint-Denis, 187 ans plus tard. À son arrivée à Saint-Denis en 1978, il s’est d’ailleurs avoué déçu de constater qu’à peu près personne ne prenait le temps de célébrer la victoire patriote du 23 novembre 1837.
La Société d’histoire a déjà recensé une cinquantaine d’attraits touristiques à valeur historique et patrimoniale dans les deux villages et multiplie aussi les efforts pour que les deux champs de bataille soient mis de l’avant. « À Saint-Charles, il faut changer le zonage; à Saint-Denis, il y a encore un vieux garage à cet endroit et la Municipalité n’a toujours pas trouvé un entrepreneur pour le démolir », poursuit-il.
Maintien de ses positions
Onil Perrier a publié en 2018 l’essai Clarté : un petit livre bleu pour le Québécois qui s’interroge, qui résume ses positions, souhaitant par exemple la souveraineté du Québec plutôt que son indépendance complète du Canada. Six ans plus tard, ses positions n’ont pas changé, y compris celles sur l’immigration, à contre-courant du discours politique ambiant. En effet, il souhaite que le Québec récupère l’ensemble des pouvoirs en immigration, mais pas nécessairement pour limiter le nombre de personnes arrivant au Québec. « François Legault agit très mal en voulant renvoyer la moitié des immigrants temporaires. Il faudrait qu’on accepte tout le monde, mais qu’on les francise pour qu’ils soient des citoyens québécois. Il faut leur dire qu’on est contents de les accueillir ici plutôt que d’essayer de les envoyer ailleurs, surtout que ça renforce le Canada anglais et que ça affaiblit le Québec qui perd de l’importance relative au sein du Canada. » M. Perrier, lui-même franco-ontarien de naissance, craint que si le poids du Québec baisse en deçà de 20 %, cela pourrait nuire aux communautés francophones ailleurs au pays en plus de diminuer l’influence du Québec dans les décisions au fédéral.
Le Dionysien maintient aussi son interprétation que le Québec a parmi les plus belles histoires au monde, avec très peu de parts d’ombres par rapport aux autres nations, y compris dans son traitement des peuples autochtones dans les pensionnats. « Je n’ai pas compris pourquoi le pape [François] est venu demander pardon aux Premières Nations, comme si les bonnes sœurs avaient été cruelles alors qu’elles ont tout fait pour les soigner et les instruire. C’est [John A.] Macdonald qui a voulu “tuer l’indien” et la GRC qui les a arrachés de force à leur famille. Les bonnes sœurs n’étaient pas complices, elles ont été forcées et ont fait ce qu’elles pouvaient. » Pour lui, la principale tache dans l’histoire du Québec, c’est la peur. « On reste le seul peuple qui s’est dit non à deux reprises. »
De la relève?
Malgré les défis au fil des décennies pour faire reconnaître le patrimoine de la région à sa juste valeur, Onil Perrier n’a jamais songé abandonner, bien au contraire. À 96 ans, il n’a rien perdu de sa fougue, mais sait qu’il y a une relève aussi motivée et passionnée que lui qui pourra poursuivre le travail quand il ne sera plus en mesure de s’impliquer. « On a des gens passionnés ici, comme François St-Louis et Guy Archambault, mais c’est certain qu’il en faudra d’autres pour cesser d’élire des peureux qui nous empêchent d’avancer. »