8 novembre 2023 - 07:00
Hors jeu, un regard féministe sur l’industrie du sport signé par Florence-Agathe Dubé-Moreau
Par: Denis Bélanger
Florence-Agathe Dubé-Moreau. Photo Justine Latour

Florence-Agathe Dubé-Moreau. Photo Justine Latour

Florence-Agathe Dubé-Moreau propose un regard nouveau et rafraichissant sur les femmes présentes dans le sport professionnel avec Hors jeu : critique féministe et culturelle sur l’industrie du sport professionnel. L’autrice a pu connaître cet univers en assistant à de nombreux matchs de football de la National Football League (NFL) où participait son partenaire de vie, Laurent Duvernay-Tardif.

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Comme Dubé-Moreau l’indique dans les premières pages de Hors jeu, le déclenchement de ce livre survient en 2014 lorsque Laurent Duvernay-Tardif est repêché par les Chiefs de Kansas City de la National Football League (NFL). Elle est parachutée dans un univers méconnu qui la mènera à un choc de cultures. « Ce que j’ai découvert de l’autre côté de la frontière américaine, dans l’enceinte de ce club sélect d’hommes qui jouent au ballon, a profondément changé mon regard sur l’impact du sport dans la lutte pour l’égalité entre les genres. Pour être honnête, au cours des premières années de cette aventure sportive, je n’arrivais pas à faire sens de cette réalité parallèle », écrit-elle dans son essai.

En suivant Laurent Duvernay-Tardif, Florence-Agathe Dubé-Moreau a commencé à partager son point de vue féministe sur ce qu’elle vivait et voyait en 2019 dans une série de chroniques pour Urbania intitulé « WAGS moi non plus ». WAG est l’acronyme de wives and girlfriends. Elle avait rapporté à la même époque qu’elle refusait de porter le chandail brodé au nom de son conjoint. Dans cet État plus conservateur, c’est la norme. Elle avait aussi raconté que certaines personnes, dont l’épouse de l’entraîneur-chef des Chiefs, ne comprenaient pas non plus pourquoi elle n’était pas mariée.

« Je travaille plus concrètement sur ce projet depuis deux ans. Cela a nécessité beaucoup de recherches et j’ai pu être appuyée par une recherchiste. »

Au départ, Dubé-Moreau pensait ne faire qu’un court manuscrit d’une centaine de pages. Finalement, l’essai en compte plus de 200. « J’ai enlevé des sujets que je voulais aborder tel que les athlètes et les journalistes féminines. »

Les femmes hors jeu

L’essai de Dubé-Moreau braque les projecteurs sur les femmes qui participent aux quatre principales ligues sportives professionnelles masculines en Amérique du Nord (baseball, hockey, basketball, football). Ces femmes « hors jeu » sont les conjointes des joueurs, les cheerleaders, des arbitres, des entraîneuses ainsi que des propriétaires ou des dirigeantes d’une organisation. Elle déconstruit de nombreux mythes et stéréotypes en soulignant l’importance, le pouvoir et les responsabilités que chacune d’elles a. « Certaines contribuent aux performances sur le terrain en créant un foyer stable et aimant, en offrant un soutien émotif et psychologique. D’autres façonnent le sport derrière leur bureau, autour d’une table de réunion, dans les salles de conditionnement physique. Sifflet au cou, pompons en mains, elles orchestrent le sport, le mettent en scène, le dessinent pour les générations à venir. »

Dans Hors jeu, elle démontre à quel point les conjointes de joueurs sont fortes à travers les différentes épreuves et défait ainsi l’image qu’elles sont seulement des femmes assoiffées de richesse et de célébrité. Elle partage certaines situations ironiques, voire inéquitables. Dubé-Moreau raconte que l’organisation des Chiefs avait invité les femmes des joueurs à participer à une séance photo pour la vente d’articles promotionnels. Elles n’étaient pas rémunérées, devaient être maquillées à leurs frais et ne pas amener leur enfant. L’équipe ne fournissait pas de service de garde.

Dans un autre ordre d’idées, l’autrice souligne avoir eu aussi beaucoup de plaisir à découvrir l’univers des cheerleaders. « J’avais moi-même mes propres préjugés envers cette industrie. Finalement, ces femmes permettent une présence féminine en grand nombre et se sont battues pour avoir de meilleures conditions. »

À travers le portrait de ces femmes, elle partage ses propres expériences vécues dans le cadre de la carrière de LDT. « J’ai été privilégiée de découvrir cet univers et d’avoir eu des discussions avec de bien nombreuses femmes. »

Amener une réflexion

Avec Hors jeu, Florence-Agathe Dubé-Moreau souhaite amener le lecteur à réfléchir à ce que le sport dit de la société. « Le sport peut aider à rêver d’avoir un sport plus inclusif qui promouvoit des valeurs justes. Les bénéfices iront aussi aux hommes qui sont aussi dans une culture toxique. J’espère que le livre interpellera autant les hommes que les femmes. »

Seul l’avenir nous dira si l’autrice rédigera un autre essai ou non, mais la porte semble ouverte. « Tu penses que tu as fini quand tu termines l’écriture, mais finalement, on dirait que ce n’est que le début. »

Un lien d’attachement solide avec la région
À l’instar de Laurent Duvernay-Tardif, Florence-Agathe Dubé-Moreau est demeurée dans la Vallée-du-Richelieu pendant de nombreuses années. Elle a complété son parcours primaire à l’école de la Pommeraie et réalisé la majeure partie de son secondaire à Ozias-Leduc, à Mont-Saint-Hilaire. Elle a fait la connaissance de son conjoint en travaillant à l’épicerie L’Eau Vive, qui était située juste à côté de la boulangerie familiale des Duvernay-Tardif. Elle a encore un lien d’attachement à la région, alors que des amis et de la famille y habitent toujours.

Florence-Agathe Dubé-Moreau occupe plusieurs chapeaux, notamment ceux d’autrice, chroniqueuse et commissaire indépendante en art contemporain. Son travail en commissariat et en critique d’art s’est vu récompensé par plusieurs distinctions au cours des dix dernières années, dont le prix de l’essai de l’année décerné par l’Association des revues culturelles québécoises en 2022.

Elle œuvre également à l’intersection de la culture et du sport. La jeune femme a justement un passé en entraînement de haut niveau à l’École supérieure de ballet du Québec en plus d’être titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art. Florence-Agathe Dubé-Moreau est d’ailleurs coprésidente de la Fondation LDT avec son conjoint.

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