Mais il a quand même parlé de Défense. En soulignant que même les entreprises locales pourraient mettre la main à la pâte. À quelques reprises, il a parlé d’un monde en changement, sans aucun retour en arrière.
Christopher Skeete a insisté sur le fait que le Québec devait revoir son rapport à l’industrie de la Défense. Il a rappelé que la province avait obtenu 350 millions de dollars en retombées l’an dernier, contre 1,2 milliard pour l’Ontario, et que le Québec avait tout en main pour être un leader grâce à son expertise en aéronautique, en naval, en intelligence artificielle, en quantique et dans le développement des drones. Il a souligné que le gouvernement fédéral augmentait ses investissements militaires, et que c’était une occasion à ne pas manquer pour les entreprises québécoises. Il a invité celles-ci à développer un réflexe « Défense ».
Puis il a gentiment ridiculisé ceux qui auraient un malaise à investir dans la Défense, avec une petite moue dans le ton. « On n’a aucune raison de ne pas être leader en Défense au Canada, à part parce qu’on ne veut pas. Parce que la Défense, ce n’est pas “fin”. On doit changer cette culture-là au Québec et se préparer à se protéger. »
Le même jour, la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, a déclaré que « la Défense fait maintenant partie de mes trois priorités » devant des gens de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Ce n’est pas un hasard. Ça veut dire qu’on va en entendre parler beaucoup — et les gens d’affaires encore plus. Elle a rappelé que ce marché représentait 900 milliards au sud de notre frontière. Et qu’Investissement Québec, qui ne pouvait pas auparavant investir en Défense, le pouvait maintenant. C’est le monde qui s’en vient.
Plus je vieillis, plus mon optimisme se teinte de réalisme. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas d’espoir en l’avenir, mais je tente d’affronter le réel et de me sortir la tête du sable. La guerre, c’est laid – je vais toujours le penser. Mais je crois tout de même que les discours affirmant que chaque dollar investi en Défense (ou en militarisation, utilisons le vrai terme) est un dollar de moins pour mettre fin à la faim dans le monde sont un peu naïfs. On le constate dans les dernières années avec des guerres comme celle en Ukraine : le monde ne va pas en se démilitarisant.
Ce que je déplore surtout, c’est que le discours ne soit pas tempéré par une quelconque forme d’empathie ou d’humanité. Comme si l’investissement en « Défense » ne se traduisait qu’en termes économiques. Et même au-delà : le ministre Skeete exige un « changement de mentalité ».
Mais quand je vois tous ces discours haineux décomplexés sur la place publique (on peut penser à l’homophobie, qui, selon un article récent de La Presse, revient dans nos écoles), ou la montée d’un totalitarisme déguisé en efficacité gouvernementale aux États-Unis, je me demande si ce dont le Québec a besoin en ce moment, c’est vraiment un « changement de mentalité ».
Moins de naïveté, peut-être. Plus de réalisme, sûrement. Mais être moins « fin » ? Non. Vraiment pas.