29 mars 2023 - 07:00
Je cherche les fantômes
Par: L'Oeil Régional
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Le 20 mars dernier, le Journal de Montréal titrait en une « Un cadeau empoisonné » en référence au don du Manoir Rouville-Campbell à la Ville de Mont-Saint-Hilaire. Empoisonné, vraiment?

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Dans le reportage publié en pages 6 et 7, le bureau d’enquête du Journal ajoute ceci : Un manoir hanté pour la Ville.

Je n’ai pas encore aperçu de fantômes dans le Manoir, seulement quelques vandales voulant profiter de la quiétude des lieux, j’imagine.

Rappelons les faits : le Manoir est à vendre depuis octobre 2021. Prix demandé : 28 M$. Les propriétaires, le Groupe Gestion G5, administré par la riche famille Imbeau, a décidé de fermer son établissement d’hébergement en mars 2022.

En juin 2022, Groupe Gestion G5 donne le Manoir, un bâtiment patrimonial, à la Ville de Mont-Saint-Hilaire en échange d’un reçu pour fin d’impôt de 31,13 M$. Le montant est bien supérieur à l’évaluation municipale de la propriété qui s’élève à un peu plus de 11 M$, mais le Groupe Gestion G5 maintient à l’époque que le coût global en reconstruction du manoir était évalué à plus de 30 M$. Supposons.

Mais revenons au texte du Journal de Montréal et tentons de calmer le jeu. D’abord, il faut avoir un peu de front pour appeler ça de l’enquête. Je suis le premier à reconnaître l’efficacité du bureau d’enquête du Journal, mais la plupart des informations contenues dans le reportage, nous les avions déjà révélées dans une série d’articles publiée en 2022. À l’époque, nous disions que les frais d’entretien du bâtiment grimpaient à 500 000 $ par année. Nous rapportions aussi que le manque à gagner en taxes municipales s’élevait à environ 200 000 $. Pierre Nault, le président de l’Association des citoyens de Mont-Saint-Hilaire, pense que le montant total du manque à gagner s’approche plutôt du 1 M$, si on y ajoute aussi les frais d’assurances et autres frais d’entretien.

Est-ce que c’est beaucoup? Oui, beaucoup pour une petite ville comme Mont-Saint-Hilaire. « Un puits sans fond », comme il le dit. Ça dépend de ce qu’on en fait, effectivement. Même le maire de Mont-Saint-Hilaire le reconnaît : « on ne peut pas se permettre de supporter un manoir de cette envergure sans qu’il y ait une rentrée de revenus ».

Bien sûr, on peut penser que la famille Imbault a fait un sacré coup en se débarrassant d’un bâtiment patrimonial difficile à entretenir en profitant de sa grande fortune pour que même un don de 31 M$ se traduise au final par un avantage fiscal. Mais même si j’ai toujours un malaise (et un certain dégoût) quand des ultras riches s’enrichissent davantage, il faut froidement écarter cette variable de la discussion (sauf s’il y a fraude, mais rien ne pointe vers ça pour le moment).

Hanté, le Manoir? Je trouve que nous manquons de recul. Bien sûr, le maire y voit une opportunité et peut-être que l’histoire lui donnera raison. Non seulement un « comité des sages » se penche sur l’avenir du Manoir, mais on apprend aussi cette semaine que la population pourra se prononcer, le 12 avril prochain.

Peut-être que l’histoire donnera raison à M. Nault; le Manoir deviendra peut-être seulement un immense mausolée d’inspiration Tudor qui nous rappellera l’échec de nos ambitions.

Mais donnons-nous un peu de temps avant de laisser les fantômes occuper les lieux.

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