Ceux qui connaissent déjà l’artiste savent que le tape est l’un de ses médiums de prédilection depuis des années. Il s’est d’ailleurs beaucoup amusé à créer une grande œuvre colorée, qui explore le mouvement de façon abstraite. « J’ai fait ça en trois jours de travail. J’ai eu beaucoup de plaisir à y travailler, surtout qu’il a fait beau! […] Je savais grosso modo vers quoi je m’en allais. J’ai voulu jouer avec les formes, le mouvement, l’énergie, comme j’aurais fait avec de la peinture abstraite. Avec le tape, on retrouve le côté énergisant de la forme et de la couleur », note Jocelyn Fiset.
En plus de deux portions de la grande œuvre qui sont abstraites, la partie centrale représente un symbole cher à l’artiste, le dôme. « Le dôme est devenu un peu ma marque de commerce, alors que je fais de l’art nomade. J’ai aussi incorporé en haut le message “Nous n’allons pas assez loin”. C’est un message rappelant qu’en tant qu’artistes, on a une liberté et qu’il faut en profiter pour essayer des choses nouvelles », poursuit l’artiste revendicateur. Il fait d’ailleurs un parallèle avec le manifeste Refus global, paru il y a 75 ans, qui a coûté son emploi et sa famille à son auteur, l’Hilairemontais Paul-Émile Borduas. « Borduas a tout misé pour changer les choses. Profitons-en donc comme artistes pour brasser la cage et faire différent de ce que les autres font. » Pour lui, l’art éphémère est une piste de solution qu’il explore pour éviter que son art ne devienne un « produit ».
Médium de choix
Jocelyn Fiset a longuement vanté les avantages de la création avec le ruban adhésif, particulièrement celui provenant du Canada, avec lequel il travaille partout où il va. « Ça ne fait pas si longtemps qu’il y a du ruban de couleur, peut-être une vingtaine d’années. […] Celui que j’utilise est toujours d’une compagnie canadienne. J’ai créé au Mexique, en Europe, en Afrique et j’apporte toujours mon tape avec moi dans mes bagages! Je dois parfois montrer aux douaniers des photos de mes créations précédentes s’ils me posent des questions en voyant ça dans mon sac! » Il précise que ce n’est toutefois pas par caprice qu’il n’utilise qu’un matériau d’ici dans ses œuvres. « Avant d’aller dans un pays où je sais que je vais créer, je demande qu’on m’envoie un exemplaire pour voir. En France par exemple, le format est un peu plus petit; au Mexique, il colle presque des deux faces parce qu’il reste des résidus de colle… C’est vraiment le tape canadien que ça me prend! » Petite exception dans sa création à Pointe-Valaine : le ruban orange, provenant de Chine. « La couleur est belle, mais je trouve qu’il ne colle pas aussi bien. C’est correct comme il est mélangé avec d’autres rubans, mais disons que je ne lui ferais pas confiance pour faire une ligne tout seul! »
Le ruban adhésif a aussi l’avantage d’être parfait pour de l’art éphémère. « Ça ne dérange pas quand je le pose et ça ne laisse pas de trace quand on va l’enlever », assure-t-il. Si l’équipe de Pointe-Valaine décidait de garder sa création en place, elle pourrait aisément survivre aux intempéries et aux températures hivernales. « Mais j’aime bien l’idée qu’elle ne soit qu’éphémère. Elle devrait disparaître quelque part d’ici la fin du mois de novembre », croit M. Fiset.
Fin d’exposition
Le 8 novembre marque aussi la fin de l’exposition Gare aux artistes, mettant en vedette 22 œuvres de neuf artistes membres du Regroupement des artistes professionnels de Mont-Saint-Hilaire (RAP). Ils exposent dans le bâtiment de la gare de train de Mont-Saint-Hilaire, où il ne se passait plus grand-chose depuis un certain temps déjà. « J’habite le quartier de la gare et j’ai proposé à la Ville de faire quelque chose à l’intérieur, qui pourrait être vu de l’extérieur. C’était un premier test qu’on a fait et je crois qu’il y a de l’intérêt pour organiser d’autres expositions de cette façon à l’avenir », commente Jocelyn Fiset, aussi président du RAP.
Un miroir de la société
Lors de sa dernière entrevue avec L’Œil Régional, au printemps dernier, M. Fiset faisait mention d’un essai sur les arts visuels au temps des changements climatiques, un texte ouvertement critique envers la communauté artistique. Cet essai a depuis été finalisé, et l’auteur en a présenté quelques passages dans différents colloques, où il a eu un accueil parfois mitigé. « Les artistes se braquaient quand je comparais l’atelier d’artiste à une usine », relate celui qui croit que le milieu artistique est le « miroir de la société » et que celle-ci n’est tout simplement pas encore prête à certains changements de mentalité difficiles, mais nécessaires. « On parle de plus en plus de surconsommation et du système capitaliste qui doit être changé. Pourquoi ne pas se faire violence un peu comme artiste pour changer les choses? […] On pense que les révolutionnaires sont toujours ailleurs, mais à chaque époque, il y a des gens qui essaient des choses différentes. »
Jocelyn Fiset espère pouvoir un jour publier son essai, aidé par une éditrice en France avec qui il devrait peaufiner son texte au cours des prochains mois.