En entrevue, le Belœillois et président du MDN, Jean-Pierre Charbonneau, a des mots durs envers la Coalition Avenir Québec et surtout les députés et ministres François Legault, Simon Jolin-Barrette et Sonia LeBel, qu’il accuse d’être revenus sur leur parole et « d’encourager le cynisme ».
Il accuse le parti au pouvoir d’avoir complètement écarté l’idée de la réforme du mode de scrutin. Le MDN milite depuis plusieurs années pour remplacer le mode de scrutin actuel par un mode proportionnel. La CAQ, rappelle-t-il, s’était engagée avec Parti québécois, Québec solidaire et le Parti vert du Québec à réformer le système électoral, en mai 2018, lorsqu’il a signé l’entente Réforme du mode de scrutin au Québec : le PQ, la CAQ, QS et le PV s’engagent à agir ensemble. Dans le document, les partis s’étaient entendus pour introduire le mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales.
C’est pour cette raison que l’organisme demande à la Commissaire de se doter de son droit discrétionnaire d’ouvrir une enquête sur la question du « refus subit et non justifié du député de l’Assomption et premier ministre du Québec ainsi que de tous les autres députés de la Coalition Avenir Québec (CAQ), de donner suite à leur engagement public et écrit de mettre en place un nouveau mode de scrutin de type proportionnel au Québec ». Dans sa lettre, le mouvement rappelle que l’article 92 du code Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale permet à la Commissaire de faire une enquête sur un député « de sa propre initiative ».
Pour soutenir leur requête, M. Charbonneau et les membres du MDN invoquent les nombreuses démarches, les propos répétés et les votes parlementaires favorables de François Legault, de sa ministre responsable du projet de réforme Sonia LeBel, ainsi que des autres députés de la CAQ qui ont promis d’aller de l’avant avec la réforme, contrairement à ce qu’avaient fait leurs prédécesseurs.
Pas d’explication
Pour M. Charbonneau, ce recul de la CAQ n’est pas juste un bris d’engagement électoral. « Oui, en politique, il faut parfois changer de trajectoire. Mais le minimum, c’est d’expliquer pourquoi et d’avoir de bonnes raisons. Si tout d’un coup, les députés ont découvert les vertus du statu quo, bien ce n’est pas une bonne raison. »
Ce dernier affirme avoir envoyé des lettres en janvier dernier au premier ministre, à M. Jolin-Barrette et à Mme LeBel pour obtenir des explications, sans succès. Il dit avoir obtenu une confirmation que le projet était abandonné seulement par téléphone, en décembre dernier, par un membre sénior du personnel politique du cabinet du premier ministre François Legault.
« À la limite, on peut toujours nous dire qu’à cause de la pandémie, ça a bouleversé les travaux et qu’on ne pourra plus adopter le projet de loi avant les élections. Mais ce qu’on m’a annoncé [par téléphone], c’est que non seulement le projet de loi ne serait pas adopté avant les élections, mais qu’il ne sera jamais adopté et qu’on abandonne. Ce n’est pas seulement l’abandon du projet de loi, mais l’abandon de l’engagement politique dans le programme de la CAQ. C’est de choisir en catimini le statu quo. Ce sont des années de militantisme mis à la poubelle par un simple coup de téléphone méprisant. »
Blâme
Si la Commissaire se saisit du dossier, M. Charbonneau pense qu’elle pourrait en arriver à la conclusion que les valeurs de l’Assemblée nationale et que la parole donnée n’ont pas été respectées. Elle pourrait aussi adresser un blâme aux députés de la CAQ, souhaite-t-il. « Oui, un blâme d’honneur, admet-il. Mais c’est aussi un signal envoyé aux électeurs qui pourront se demander s’ils veulent être dirigés par des personnes qui ne respectent pas leur parole et qui n’ont pas de comportement éthique », conclut le président du MDN.
Le journal a tenté d’obtenir une réaction du député Simon Jolin-Barrette, mais nous n’avions pas obtenu de réponse au moment de mettre sous presse.