J’ai reçu un appel un peu troublant cette semaine. Un homme, dont je vais taire le nom, en pleine détresse. Il me raconte son histoire, unique, mais en même temps si typique. Enfance brisée par les abus, vie adulte post-traumatisée par l’armée (passage au Rwanda me dit-il) et une automédication basée un peu trop sur l’alcool. Au téléphone, les silences et les souffles profonds s’alternent avec un propos cohérent, mais empreint de douleur.
Il m’explique vouloir passer par le journal pour remercier les gens qui lui ont sauvé la vie. Parce qu’il y a quelques jours, voire quelques heures, ses pensées étaient hantées par le suicide.
Au téléphone, il énumère ceux dont c’est le métier d’aider: le Centre d’action bénévole, la police, les gens de l’office d’habitation, la clinique médicale. Il ajoute le nom de sauveurs indirects, ceux dont ce n’est pas le travail, mais qui ont eu une écoute: le bureau du député, le dentiste, l’équipe de la pharmacie. Puis, un peu tout le monde finalement: les commis à l’épicerie, les commis du dépanneur lorsqu’il va chercher sa bière. Il insiste beaucoup sur la police et les agents sociocommunautaires. «On chiale souvent contre eux, mais ils m’ont souvent sauvé la vie».
Il tient à les remercier dans le journal, disais-je. Je discute avec lui, nous cherchons une façon de passer son message. Puis finalement, ça devient plus thérapeutique que productif. Il parle; j’écoute.
Il me remercie. «Tu m’as sauvé aussi», me dit-il.
Peut-être que j’ai aidé un peu, comme bien d’autres qui ont seulement pris le temps de l’écouter. Mais en fait, c’est la communauté qui l’a aidé à se maintenir en vie.
Je raccroche et je ne sais toujours pas comment publier ses remerciements. Alors voilà, c’est une peu la façon que j’ai trouvée, par cette colonne. J’espère que ça lui conviendra. Et je lui dis de s’accrocher.
Pour les remerciements, j’ai décidé de taire les noms; je n’ai pas pu vérifier tous ses propos et certains bienfaiteurs pourraient préférer l’anonymat. Mais je suppose qu’ils se reconnaitront.
Et en fait, ce n’est pas très important. Vous reconnaitrez peut-être mon interlocuteur, mais l’idée de mon texte est de remercier tous ceux qui prennent le temps d’aider leur prochain, dans la communauté, pas simplement cet homme. Et ces petits gestes, ça me met de bonne humeur.
Ou c’est peut-être juste le soleil et les vacances. Qui sait?