Le directeur général de l’Arc-en-Ciel, Frédérick Fortier, rappelle que la consommation de cannabis chez les jeunes ne date pas d’hier. La différence principale avec le wax pen, c’est que c’est plus facile de dissimuler sa consommation. « Quand quelqu’un utilise un wax pen, on ne peut pas le savoir, ni à l’œil ni au nez. […] C’est une mode qui remplace un peu le fumeur de joint, avec beaucoup plus de facilité à camoufler sa consommation », résume-t-il. Le pen ressemble à une vapoteuse à nicotine, mais elle contient de la wax, un concentré de cannabis pouvant dans certains cas atteindre les 95 % de concentration, qui y est alors liquéfiée et à laquelle il est possible d’ajouter des saveurs. « Ça a l’avantage de goûter bon et de ne pas sentir. C’est aussi très facile de s’en procurer en ligne », note M. Fortier. Notons que les saveurs dans les vapoteuses ont été rendues illégales au Québec cet automne, mais qu’il reste difficile de contrôler ce qui est acheté en ligne.
Il invite toutefois les jeunes à la prudence lorsqu’ils essaient le wax pen. « Avec une concentration en THC aussi forte, on n’a pas beaucoup de contrôle sur l’effet que cela nous fait. D’autant plus qu’avec des saveurs, on ne le sent pas nécessairement tout de suite, un peu comme la situation des boissons alcoolisées sucrées. Dans certains cas, l’effet peut être assez violent et rendre les gens malades », prévient-il. Mais plutôt que d’essayer d’empêcher les jeunes d’en prendre, il préconise une approche de réduction des méfaits et propose un contexte le plus propice possible pour une consommation en sécurité. « La suggestion qu’on fait, c’est de ne pas en consommer à l’école ou avant d’aller à l’école et d’éviter les forts dosages. Si tu as à essayer le wax pen, on te conseille de plutôt le faire dans un contexte social, qui est à moindre risque et où tu peux avoir plus de fun. L’important, c’est de trouver un équilibre dans sa consommation. »
Au quotidien, l’Arc-en-Ciel est de plus en plus sollicité par les écoles de la région pour les accompagner face à la nouvelle réalité des vapoteuses et des wax pens. Depuis peu, l’organisme propose aussi aux écoles secondaires le souhaitant de réaliser un sondage afin de dresser un portrait de la consommation chez leurs élèves. Il est toutefois encore trop tôt pour établir des statistiques solides sur le niveau de popularité du wax pen dans la Vallée-du-Richelieu, même si M. Fortier reconnaît que les écoles et les parents se montrent de plus en plus préoccupés par cette façon de consommer à la fois accessible et jouissant encore d’un certain effet de nouveauté. « Le temps nous dira si le wax pen n’était qu’une mode qui va passer ou non », ajoute-t-il. Dans tous les cas, l’Arc-en-Ciel continue d’aider autant les écoles que les jeunes et leurs parents sur cette question.
Les écrans toujours d’actualité
Si le wax pen est en émergence, certaines choses demeurent préoccupantes depuis des années, dont la relation qu’ont beaucoup de gens, dont les jeunes, avec les écrans. À l’Arc-en-Ciel, on n’aime pas parler de « dépendance », mais plutôt d’« usages à risque ». « Quand les textos se sont démocratisés, ça a changé bien des choses : on est passé de jeunes qui flânent ensemble à des jeunes qui textent en restant chez eux. Depuis, beaucoup de parents sont inquiets de leur temps d’écran », reconnaît Frédérick Fortier.
Il rappelle d’ailleurs que l’organisme est actif depuis des années, même au niveau primaire, pour sensibiliser les jeunes face à leur façon d’utiliser les écrans et développer leur esprit critique face à l’utilisation qu’ils en font. « Et on propose un atelier parlant du sexting [l’envoi de messages ou d’images à caractère sexuel à une autre personne par son téléphone] dès le secondaire 2 depuis longtemps, avant même que ce soit devenu un enjeu médiatisé. » Il ne faut toutefois pas assumer qu’un jeune qui passe beaucoup de temps devant son ordinateur a automatiquement un problème. « Ça dépend de l’usage qu’il en fait. C’est quand le temps d’écran nuit aux autres sphères de sa vie, comme l’activité physique ou ses interactions sociales, que cela peut devenir un problème. Comme avec la consommation de drogues, tout est dans l’équilibre, ce qui n’est pas facile, même pour un adulte! »
Selon le directeur de l’Arc-en-Ciel, l’utilisation à risque des écrans peut avoir des effets qui s’apparentent à la dépendance à certaines drogues. « Ça peut aller jusqu’à des symptômes physiques de sevrage si une personne n’a pas son cellulaire. C’est la fear of missing out [FOMO, ou la peur de rater quelque chose], qui peut se traduire par des troubles du sommeil et la difficulté de se concentrer en classe par exemple. » C’est pourquoi l’Arc-en-Ciel est davantage sollicité ces dernières années pour des formations et des ateliers sur l’utilisation des écrans que sur la consommation de drogues. « Le pic des problèmes avec les écrans, on est en plein dedans. Est-ce qu’il y aura un retour de balancier plus tard? À suivre », lance M. Fortier. En attendant, le Défi Débranche le fil, très populaire dans les écoles du territoire, demeure une excellente façon de questionner en famille sa relation avec les écrans et d’améliorer certaines habitudes de vie.