Le Commissaire était d’avis que les agents Brigitte Légaré et Martin Fisette avaient chacun commis deux manquements en n’arrêtant pas immédiatement Anthony Pratte-Lops après avoir reçu la visite de Daphné Huard-Boudreault au poste de police le jour du drame.
La juge administrative du Comité de déontologie Louise Rivard a rendu son verdict le 5 avril dernier et le Commissaire avait 30 jours pour signifier son intention d’aller en appel. Une requête a officiellement été déposée le 5 mai à la division administrative et d’appel de la Cour du Québec.
Le père de la victime, Éric Boudreault, est content des démarches prises par le Commissaire à la déontologie policière. « La lecture de la requête en dit long. » De son côté, la RIPRSL n’a pas voulu émettre de commentaires pour l’instant.
Rappels des faits
Le drame a pointé les projecteurs sur le travail des agents de la RIPRSL, car la victime a eu deux interactions avec la police le 22 mars 2017. Le matin, elle a appelé le 911, car Pratte-Lops refusait de quitter la voiture de Mme Huard-Boudreault stationnée devant le dépanneur où elle travaillait. Quatre policiers se sont présentés sur les lieux. Des agents sont restés jusqu’au départ de l’individu et ils avaient recommandé à la jeune femme de se faire accompagner pour aller récupérer ses effets personnels à leur appartement de la rue Forest. Notons que des plaintes en déontologie avaient été également déposées contre ces agents, mais elles n’ont pas été retenues.
À la suite de l’événement au dépanneur, Daphné Huard-Boudreault s’est présentée au poste de police où elle a rencontré l’agente Brigitte Légaré, puis Martin Fisette. La jeune femme avait déclaré que son ex-ami de cœur avait volé son téléphone cellulaire et avait ainsi pris le contrôle de son compte Facebook. Elle était irritée par la situation et voulait que ça arrête, mais elle a refusé de porter plainte. Elle s’apprêtait à aller chercher ses effets personnels dans l’appartement de la rue Forest qu’elle partageait avec Pratte-Lops. L’agente Légaré a insisté pour accompagner la jeune femme, même si cette dernière ne voulait pas déranger les policiers. Daphné Huard-Boudreault a quitté le poste par la porte avant et la policière par la porte arrière. Daphné est arrivée chez elle quelques minutes avant la policière; la policière est arrivée après le drame.
Plusieurs erreurs
Le Commissaire clame que le Comité de déontologie a commis sept erreurs dans sa décision, dont celle de considérer que la victime est en faute. Selon le Commissaire, le Comité se concentre trop sur le fait que Daphné Huard-Boudreault ne voulait pas porter plainte.
« Au lieu de voir une personne récalcitrante, il faut voir une victime de violence conjugale, car, c’est ce qu’elle était, une victime qui veut que ça cesse et ne veut pas envenimer la situation », peut-on lire dans la requête signée par la procureure Me Fannie Roy. « Plutôt que de s’attarder uniquement aux gestes ou paroles de la victime qui pourraient être perçus comme un manque de collaboration, le Comité devait se demander : comment les Intimés devaient se comporter face à cette situation, considérant leurs pouvoirs et leurs devoirs? »
Toujours selon le Commissaire, le Comité erre aussi en déterminant que le drame n’aurait pu être empêché même si les policiers s’étaient rendus chez le suspect pour l’arrêter en raison de l’empressement malheureux de la victime d’aller à son ancien logement de la rue Forest.
« Personne, pas même le Comité, ne sait comment aurait réagi madame Huard-Boudreault si les policiers lui avaient déclaré qu’ils allaient arrêter son ex-conjoint. Se serait-elle dépêchée de se rendre chez lui ou bien cela aurait-il eu l’effet de la refroidir et de lui faire réaliser le sérieux de la situation? Nul ne le sait et cela importe peu. Il est vrai que les policiers ne pouvaient l’empêcher de se rendre au domicile de Pratte-Lops. Cependant, ils devaient faire ce qui devait être fait, et ce, indépendamment de la victime. »
La Commissaire reproche aussi au Comité de ne pas avoir tenu compte de plusieurs autres faits ainsi que d’avoir déduit que l’absence physique du suspect au poste de police lors de la visite de la victime ne permettait pas aux policiers de l’arrêter « immédiatement ». « Le mot immédiatement ne doit pas être pris au sens propre. […] En droit, il est fréquent que le mot “immédiatement” ne signifie pas automatiquement dans la seconde qui suit , mais plutôt “sans délai” ou “sans tarder” », peut-on également lire dans la requête.