24 mars 2025 - 05:00
La limite de la transparence
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Je tiens à féliciter Jacques Portelance, conseiller municipal à Otterburn Park, pour sa lutte constante en faveur de la transparence municipale. Cette semaine, il peut célébrer un début de victoire, puisque les élus de sa municipalité se sont entendus pour adopter un nouveau règlement visant à tenir les séances plénières devant public.

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Ces séances, qu’on appelle souvent « caucus », se déroulent habituellement à huis clos entre les élus et la direction municipale. Elles servent à discuter des orientations à prendre, à poser des questions, à mieux comprendre les dossiers, bref à préparer les séances publiques où les résolutions seront officiellement adoptées ou votées, devant les citoyens.

M. Portelance a d’ailleurs cité comme inspiration la Recommandation 51 de la commission Charbonneau, qui invite les élus à délibérer publiquement, sauf dans des cas où la confidentialité s’impose.

Mais ces caucus servent aussi – et peut-être surtout – à permettre aux élus et à l’administration de parler franchement. Et c’est ici que je ne partage pas tout à fait l’enthousiasme de M. Portelance à propos de cette avancée en matière de transparence.

Lui et moi avons souvent discuté de transparence municipale, un principe qui lui tient à cœur. Et pas seulement en paroles : M. Portelance tient une page Facebook où il prend le temps d’expliquer les décisions municipales aux citoyens. Il participe à de nombreuses activités, il est présent sur le terrain, et pendant les séances du conseil, il vulgarise le jargon administratif indigeste. On peut débattre des positions de M. Portelance, ce qui est normal en politique. Mais on ne peut pas douter de son engagement ni de sa volonté de transparence.

Comprenons-nous bien, j’ai la même affinité que M. Portelance pour la transparence. C’est mon pain et mon beurre. L’essence même de mon travail. Mais je pense être aussi réaliste et pragmatique. Et deux éléments m’amènent… à tempérer mon enthousiasme.

D’abord, il faut parler de l’effet d’autocensure. Un caucus, c’est aussi un « safe space », un lieu où on peut s’exprimer sans crainte, poser des questions ou émettre des réserves. Devant public, un élu pourrait hésiter à parler franchement, par peur du ridicule ou pour cacher une incompréhension. Il pourrait aussi éviter de manifester un désaccord, surtout sur un enjeu sensible. Oserait-on vraiment débattre, en public, des arguments économiques derrière une politique sociale comme le financement de produits d’hygiène féminine, par exemple? Même si le débat est sain, la crainte du jugement peut freiner la discussion. Dans le modèle actuel, l’élu peut poser ses questions en privé, se faire une tête, puis appuyer la résolution en séance publique. Est-ce qu’on a besoin de tout entendre, tout voir, tout le temps?

Et à l’autre bout du spectre, un élu pourrait profiter de la tribune pour politiser les échanges, transformant une rencontre de travail en spectacle politique. Ces deux arguments ont été soulevés dans la littérature académique.

Mon deuxième point, c’est une question de logistique. Les assemblées publiques attirent déjà peu de gens. Elles sont souvent longues, lourdes, et franchement emmerdantes. Ouvrir les débats préparatoires, c’est risquer de les étirer, de les doubler. Est-ce qu’on y gagne vraiment en transparence? Je me le demande.

Sur ce, bravo pour cette décision.

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