Mont-Saint-Hilaire a déposé sur son site internet une copie du rapport, mais les noms des différentes personnes concernées et interrogées ont été caviardés. L’Œil Régional a néanmoins été en mesure d’obtenir une copie complète du document, sans aucun élément biffé. Pour réaliser l’audit, RCGT a analysé plusieurs documents et interrogé plus d’une dizaine de personnes.
Manquements observés
La Maison autochtone a souvent dépassé le délai pour la déclaration de mise à jour annuelle. La tenue d’assemblées, où d’importantes décisions ont été prises, s’est faite sans quorum. Les problèmes de reddition de comptes sont également détaillés dans le rapport. Le musée n’a pas fourni toutes les pièces justificatives liées à son aide financière octroyée par Mont-Saint-Hilaire. Le rapport informe également que, selon les états financiers 2023 de La Maison autochtone, plus de 200 000 $ en subventions dormaient dans les coffres du ministère de la Culture, puisque la paperasse administrative n’avait pas été complétée.
L’audit confirme que l’élection de membres du conseil d’administration le 21 décembre s’est faite de manière illégitime. Rappelons que le président Alain O’Bomsawin et le vice-président Richard Ruest avaient envoyé le 17 décembre une mise en demeure à la directrice générale et conjointe d’André Michel, Chantal Millette, l’informant de sa mise à pied temporaire. Elle a reçu ce document le 20 décembre. La communication était mauvaise entre la direction générale et les administrateurs. « Certaines personnes indiquent ne pas avoir eu en main toutes les informations pertinentes au moment opportun, ce qui nuit à la prise de décision et à la gouvernance. De plus, de fausses informations ont été transmises aux administrateurs en place », peut-on également lire dans le rapport.
Toujours à l’approche des fêtes, Mme Millette a convoqué sans autorisation une assemblée le 19 décembre au cours de laquelle MM. Ruest et O’Bomsawin ont été évincés puisqu’ils étaient absents. Ils avaient indiqué qu’ils ne seraient pas disponibles pour cette rencontre. Les nouveaux membres du CA ont été principalement recrutés par M. Michel, toujours selon l’enquête de RCGT. Ce sont ces événements qui ont amené la Ville à suspendre en février les négociations de renouvellement de bail et d’entente ainsi qu’à demander un audit.
À la lumière des informations récoltées, l’auditeur recommande fortement de réduire de manière significative l’influence du fondateur et de son entourage pour préserver l’intégrité des intervenants et de l’organisation ainsi que pour limiter les conflits d’intérêts.
Plainte au REQ
L’auditeur a appris, dans l’exercice de son mandat, qu’une plainte avait été déposée au REQ à la suite du changement des administrateurs survenu à la période des fêtes. Selon la plainte, des modifications douteuses auraient été effectuées auprès de la Banque de Montréal de Mont-Saint-Hilaire sur la base d’informations erronées transmises au REQ, notamment des changements de signataires.
Toujours selon la plainte, la directrice aurait autorisé son conjoint comme signataire. Cette dernière affirmation n’a pu être vérifiée par la firme. Elle rapporte néanmoins que la Ville a tout récemment reçu un chèque retourné par La Maison autochtone. La raison fournie par la banque est que le fonds est sous saisie, soit en raison d’une retenue ou d’un message restrictif au compte.
Près de 30 000 $
Le mandat de RCGT a coûté 28 500 $ à la Municipalité. Notons que ce n’était pas la première fois qu’un audit était réalisé pour le musée. Un tel exercice avait également été effectué à l’automne 2023, alors que la Ville travaillait pour renouveler ses ententes avec le Musée des beaux-arts et La Maison autochtone.
Rappelons que les conclusions préliminaires du deuxième audit ont incité les élus à mettre fin au soutien financier de l’organisation ainsi qu’à l’occupation du bâtiment municipal de la montée des Trente. La Maison autochtone a fermé ses portes le 30 avril. Le tout s’est bien déroulé, d’après la Municipalité. Selon une source, un huissier était sur place pour l’inventaire.
Malgré la fermeture, la Ville prévoit rencontrer les administrateurs dans la semaine du 5 mai pour s’expliquer. Ajoutons que la Maison doit toujours à la Municipalité une somme d’un peu plus de 300 $. La Maison autochtone pourrait éventuellement rouvrir ses portes au même endroit, à condition qu’elle applique les recommandations du rapport.
Silence, rassurance et négation
Depuis l’annonce le 24 avril de la fin de l’occupation du musée dans le bâtiment principal, Kenny Regis, la personne indiquée comme présidente du CA selon le REQ, n’a pas fait de déclaration publique, tout comme Chantal Millette.
De son côté, l’ancien président et vice- président du musée, Richard Ruest, a envoyé un communiqué, clamant parler au nom de La Maison autochtone. « Cette fermeture, qui se veut brève, permettra de régulariser la gouvernance et la gestion de la Maison, afin d’assurer une administration par et pour les Autochtones. Les administrateurs tiennent à rassurer la clientèle, les partenaires et les employés que tout est mis en œuvre de sorte à assurer une transition souple et rapide. Une bonne relation continue d’être entretenue avec la Ville de Mont-Saint-Hilaire et les autres acteurs impliqués, et tous collaborent pour permettre une réouverture dans les plus brefs délais », peut-on lire dans la missive.
De son côté, mis au fait par L’Œil Régional de certaines conclusions faites dans le rapport complet non caviardé, André Michel a réfuté le fait que sa conjointe l’ait nommé signataire des chèques l’hiver dernier. « La direction générale d’un organisme ne peut pas nommer les signataires au compte. C’est la responsabilité du conseil d’administration, par résolution, qui nomme les signataires au compte. »
L’artiste rejette aussi du revers de la main le fait qu’il ait recruté tous les membres du conseil d’administration. La seule exception à cette règle, selon lui, est Richard Ruest, qui le talonnait pour siéger, affirmation que le principal concerné a niée.
« Ce sont les Autochtones qui se proposaient en raison des succès de la Maison. Si cela avait été le cas, Richard Ruest et Alain O’Bomsawin, de l’ancien CA avec seulement deux membres, n’auraient jamais fonctionné dans l’illégalité fin 2024, et je leur aurais fourni rapidement un troisième membre pour légaliser leurs actions. C’est me donner beaucoup trop de pouvoir. Les Autochtones d’aujourd’hui sont indépendants des Blancs condescendants. Je ne suis qu’un simple artiste, pas un politicien qui peut abuser de son pouvoir », a déclaré M. Michel.