Par Benoit Lapierre
Dentiste à Saint-Denis-sur-Richelieu – mais il possède aussi quatre autres cabinets au Québec –, le Dr Véronneau s’était longuement penché sur le fluor et ses propriétés avant de découvrir qu’il existait dans la nature une autre substance beaucoup plus efficace pour enrayer la carie dentaire, son principal sujet de recherche.
«Je suis un expert dans mon domaine. Au cours des dix dernières années, j’ai fait beaucoup de recherches pour tenter de comprendre ce qu’on nous dit de faire, c’est-à-dire de prendre des fluorures. Dans des conditions contrôlées, ça marche, les fluorures. Mais quand on arrive dans la vraie vie, on obtient des résultats dont on n’a pas idée», souligne ce diplômé de l’Université de Montréal (dentiste généraliste, 1981) et de l’Université McGill, où il a terminé un doctorat dans sa spécialité en 2005 et où il a enseigné de 2005 à 2012.
Xylitol
Au cours de travaux de recherche menés un peu partout dans le monde, le Dr Véronneau en est venu à s’intéresser au xylose, une substance présente dans les bouleaux et les épis de maïs qui a été découverte par les Scandinaves durant la Seconde Guerre mondiale alors qu’ils cherchaient une façon de contourner le rationnement du sucre. Modifié par réaction chimique, le xylose devient le xylitol, un agent sucrant qui est utilisé comme édulcorant.
Mais le plus intéressant pour lui, c’est que les Scandinaves ont aussi découvert que le xylitol possédait des propriétés antibactériennes et qu’il pouvait éliminer les bactéries qui causent la carie. «Santé Canada a même reconnu l’effet antibactérien du xylitol dans une gomme à mâcher. Mais il fallait en prendre trois fois par jour, la mâcher durant dix minutes et être prêt à payer 400 $ par année pour se la procurer», raconte-t-il.Il a aussi constaté à travers les recherches que, chaque fois que le xylitol a été testé, il l’avait été dans une concentration d’à peine 10 % et toujours combiné aux fluorures, ce qui ne produisait aucun effet positif. «On avait donc abandonné le xylitol en dentifrice.»
Kosovo
En 2014, au cours d’un voyage scientifique qu’il effectue au Kosovo, une étudiante au doctorat lui demande s’il n’aurait pas des sujets de recherche à lui proposer. Il lui suggère alors de tester dans la population, «en première mondiale», un dentifrice au xylitol strict à 25 %.
«Mon collègue qui dirige le département de dentisterie à l’université de Pristina avait démontré auparavant que 93 % des enfants kosovars âgés de cinq ans étaient fortement infectés par la bactérie cariogène principale et que la carie était pandémique chez les jeunes enfants. Quel beau terrain de jeu c’était pour un chercheur comme moi!»
Des tests de brossage sur une longue période ont d’abord été effectués sur un groupe de 202 enfants de six mois et leurs parents, scindé en deux. Dans le cas du xylitol, c’est un produit américain jamais testé qui a été utilisé. Les résultats se sont avérés concluants : l’effet préventif observé se situait à 31 % en moyenne avec les fluorures, contre 60 % avec la pâte naturelle au xylitol. D’autres expériences ont ensuite été menées sur des groupes d’adultes, toujours avec succès. « Par des prélèvements salivaires, on a aussi démontré qu’on avait changé complètement la flore bactérienne. Cette pâte prévient la carie dentaire et les lésions », soutient le Dr Véronneau, qui a travaillé durant deux ans à la commercialisation de son dentifrice.
Cette pâte, qui devrait porter le nom de « Carie.0 », sera produite par un laboratoire de Barcelone; elle sera vendue ici dans les pharmacies et les cabinets dentaires par la firme Oral Science, de Brossard, dès qu’elle aura obtenu sa licence de Santé Canada. «On pourra se procurer ce dentifrice à un coût raisonnable, même s’il sera un peu plus cher que les autres à cause du xylitol», a conclu le Dr Véronneau.