Les élus municipaux devront composer de plus en plus avec une pression de promoteurs immobiliers puisque les terrains disponibles à la construction se font rares. Une série de courriels échangés, dont L’Œil Régional a obtenu copie, entre le président du Club de golf Belœil et une conseillère municipale en est le parfait exemple, observe l’experte en gestion municipale et professeure à l’Université du Québec à Montréal Danielle Pilette.
Depuis le début octobre 2020, le président du Club de golf, Daniel Pelland, a communiqué à plusieurs reprises avec la conseillère municipale du district 2, Renée Trudel, pour inciter le conseil de ville à prendre position publiquement en faveur du projet du golf.
« Que de pression… Il y a beaucoup d’enjeux pour l’avenir, soutient l’experte. Ils mettent énormément de pression sur la Ville, mais tous les bénéfices iront pour eux. La Ville pourrait les prendre à leur propre jeu en achetant la parcelle de terrain de 5 %. Le golf dit que le terrain n’est pas à vendre, mais ce n’est pas vrai parce qu’il y a déjà une offre d’achat. La Ville pourrait alors choisir le projet qui lui permettrait de générer le plus de bénéfices. Les courriels sont truffés de contradictions et reposent sur l’hypothèse que la Ville est comme une entreprise, mais la Ville doit prendre des décisions collectives. Elle n’a pas qu’un seul actionnaire », analyse Mme Pilette.
Selon cette dernière, ces échanges démontrent un non-respect du Service d’urbanisme. Elle estime que le président aurait dû faire des représentations en bonne et due forme auprès du Service d’urbanisme afin de respecter le fonctionnement d’une Ville.
« La pression, on la vit de tout bord, tout côté, répond la conseillère municipale Renée Trudel. Tant qu’on n’aura pas pris de décision, on aura de la pression. Je peux comprendre. C’est stressant l’inconnu. […] Ce que je garde en tête, c’est [que le président] doit aussi rendre des comptes. Il doit aussi vivre de la pression de son côté. »
Mme Trudel a tenu à répondre au président dans leurs échanges de courriels puisqu’il représente un citoyen corporatif, comme elle répond à tous les citoyens. « C’est la même attitude avec tous les citoyens. On est vigilant pour s’assurer d’être le plus équitable possible. Je m’assure que tous les citoyens qui m’interpellent sont répondus. Je voulais m’assurer qu’il avait la bonne information », ajoute Mme Trudel.
Autant il y a de visions différentes, autant elle reçoit de la pression, assure-t-elle. C’est ce qui a notamment poussé le conseil de ville à entamer une deuxième phase de consultation en plus de celle qui sera intégrée dans le processus de modification de changement de zonage. Le Club de golf a décrié cette deuxième phase dans ses courriels, jugeant qu’il n’avait jamais été informé à cet effet. Il jugeait même qu’une annonce d’une deuxième phase « créerait encore des tensions inutilement ».
Aucune pression, selon le golf
Pour le porte-parole du Club de golf, Steve Flanagan, il n’y a pas de doute : le président n’a jamais exercé de pression ni d’influence auprès de la conseillère municipale.
« M. Pelland a posé des questions à la Ville. C’est normal. N’importe quel citoyen peut écrire à une élue. […] Le promoteur a déposé une demande de changement de zonage qui inclut déjà une consultation publique. On a imposé une autre consultation publique. Pourquoi? C’est tout à fait normal que le président intervienne », explique M. Flanagan.
Le Club de golf n’avait pas à s’inscrire au Registre des lobbyistes parce qu’il est un organisme à but non lucratif, dont la vocation n’est pas patronale, syndicale ou professionnelle, même s’il a effectué des activités de lobbyisme, a confirmé à L’OEIL le Commissaire au lobbyisme du Québec. Au cours de son dernier échange avec M. Pelland, Mme Trudel lui a tout de même recommandé de communiquer à l’avenir directement avec le Service d’urbanisme.
Sortie publique de Réginald Gagnon
Le président du Club de golf s’est notamment outré de la sortie publique du conseiller municipal Réginald Gagnon dans nos pages à la fin octobre où il avait présenté une nouvelle option concernant l’avenir du golf. Selon M. Pelland, les droits du Club ont été bafoués. À ce moment, M. Gagnon présidait le Comité consultatif d’urbanisme (CCU) de la Ville, mais a démissionné quelques jours plus tard à la demande de la mairesse.
« Cette sortie publique discrédite la démarche de la Ville de Belœil et laisse planer l’impression que votre administration n’est pas sincère dans sa démarche de consultation citoyenne et qu’elle cherche par tous les moyens à mettre sur la voie de garage le projet du Club de golf Beloeil », peut-on lire dans l’un de ses courriels.
« M. Gagnon s’est placé clairement en conflit d’intérêts, ajoute M. Flanagan. Le dépôt de la demande de changement de zonage a été fait en juillet. C’est tout à fait normal que le Club de golf intervienne pour savoir s’il s’engage dans un processus impartial. »
Mme Pilette rappelle que le CCU n’a qu’un pouvoir de recommandation. Le conseil n’est pas tenu d’accepter les recommandations du CCU.