Le premier ministre François Legault s’est senti obligé d’écourter son mince congé pour adresser la situation dans son point de presse. Conclusion : nos vieux meurent dans certains de nos CHSLD.
J’ai la fin trentaine, alors je me soucie parfois peu du sort des aînés. En fait, ça ne fait juste pas partie de mon quotidien, phrasons- le comme ça. Je n’ai plus de grands-parents directs, et ceux qui sont dans la famille élargie se portent très bien.
Ma tante, septuagénaire, m’a bien fait sourire cette semaine. Ça va bien, m’a-t-elle dit au téléphone. « Mais disons qu’on se fait rappeler tous les jours par le gouvernement que nous sommes vieux! » Même si elle et mon oncle sont en très grande forme, ils font partie des gens à risques. Lorsque les premières interdictions de sortie seront levées, ils devront probablement encore se confiner.
La crise doit être vectrice de changement. Au-delà des consé- quences, nous nous devons comme société d’en tirer du positif. Déjà, notre rapport à l’autre change. Notre rapport à notre économie, la santé ou l’éducation devra aussi bouger. Surtout, celui envers les aînés.
Oui, les gouvernements qui se sont succédé nous ont montré que la gestion du bien-être des aînés était déficiente. Blâmer nos élus est le réflexe facile. Je crois pourtant que la situation actuelle dans les CHSLD, c’est un peu notre faute à tous. Nous n’avons pas transformé ces « milieux de vie » en mouroir, certes, mais nous avons délégué le bien-être de nos proches à un système un peu froid. Oui, l’État- providence nous assure à tous des soins de santé en ce temps de crise et il ne faut pas regarder bien loin au sud pour constater la force de notre social-démocratie. Mais c’est ce même État-provi- dence qui nous déresponsabilise un peu tous devant les problèmes. Bah, l’État (lire ici mes taxes) va s’en occuper. Nous sommes un peu plus rapides sur la gâchette à nous époumoner sur nos droits que sur nos responsabilités. Moi compris.
Juste pour finir, je voulais souligner que j’ai déjà travaillé au ménage comme étudiant dans un réseau de la santé, comprenant un CHSLD et des résidences pour aînés. Détestais pas nécessairement le boulot, qui était suffisamment solitaire comme travail à mon goût. Le personnel était dévoué et compétent, mais mes contacts avec les patients du CHSLD m’attristaient toujours. J’ai toujours eu un profond malaise devant ces aînés qui semblaient attendre la venue de la mort.
Ma tante, au téléphone, a utilisé l’expression mouroir pour parler des CHSLD. Qu’elle aimerait mieux la mort, dans un sens, que la vie dans ces mouroirs. Et cette semaine, nous avons tous pris la mesure de ces mots.
16 avril 2020 - 15:34
La vie dans un mouroir
Vincent Guilbault
Après avoir braqué les projecteurs sur les failles de notre système économique basé sur la consommation de biens non essentiels, la crise montre cette fois que notre gestion des aînés est tout aussi déficiente.
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