Claudia Nigrelli s’est présentée à la séance du conseil du 16 juin pour faire valoir sa position que la Ville aime mettre de l’avant un message faisant la promotion de l’accessibilité et de l’inclusivité, mais qu’elle n’en fait pas encore assez en ce sens, notamment dans le secteur du carrefour giratoire sur le boulevard Yvon-L’Heureux et la rue Saint-Jean-Baptiste, où se trouve notamment le Centre aquatique, la Maison des aînés et plusieurs commerces. Son intervention a été accueillie par une réponse préparée par la mairesse Nadine Viau, qui a énuméré plusieurs des gestes posés par la Ville ces dernières années pour améliorer l’accessibilité universelle, tout en reconnaissant que tout n’était pas encore parfait. « Je comprends que vous avez une déception : on voudrait tous que ce soit parfait tout de suite, instantanément, mais on vous invite à continuer de communiquer avec nous. L’équipe de l’administration travaille très fort pour mettre en place toutes les mesures qu’on est capables de faire pour permettre un meilleur accès universel », a-t-elle assuré à Mme Nigrelli.
Cette réponse n’a pas satisfait Claudia Nigrelli, qui n’a pas senti d’empathie de la part de la mairesse, mais la citoyenne a accepté l’invitation du conseiller du district 4, Vincent Chabot, d’aller visiter ensemble le secteur du carrefour giratoire pour qu’il puisse lui-même constater les ratés en matière d’accessibilité. L’Œil Régional était aussi sur place pour assister à cette rencontre informelle.
« Mon dévouement pour la cause de l’accessibilité remonte à mon jeune âge, quand j’ai été diagnostiquée avec une rétinite pigmentaire. J’ai toujours été la voix de la sensibilisation depuis et je suis même devenue depuis 10 ans conférencière et consultante en accessibilité. Ce sujet me tient à cœur parce que j’y travaille tous les jours! Voir comment la mairesse m’a répondu, avec un document pré-fait, j’ai senti de la fermeture de sa part, même si elle a dit à la fin de sa réponse qu’on était bienvenus à communiquer avec la Ville et à poser des questions. A-t-elle dit ça parce que la séance était enregistrée ou souhaite-t-elle vraiment que je continue d’écrire à la Ville? » lance Claudia Nigrelli. Elle a aussi fait partie du Comité à l’intégration des personnes handicapées de la Ville pendant deux ans, jusqu’à ce qu’elle démissionne, sentant que ses commentaires n’étaient pas pris en considération.
Au carrefour giratoire, il a été possible de constater que le bouton et le panneau lumineux étaient dans certains cas situés à plusieurs pieds de la traverse. Cette distance est problématique à la fois pour les personnes non voyantes qui peinent à le trouver et les personnes à mobilité réduite qui doivent faire un plus long trajet avant même de commencer à travers le carrefour. Selon les observations faites sur place, la lumière ne dure qu’une trentaine de secondes, ce qui n’est pas suffisant pour bien des personnes en situation de handicap. Certains piétons semblaient aussi ignorer l’existence du bouton. « Je pensais qu’il était difficile de le trouver pour les non-voyants, mais finalement, c’est le cas pour tout le monde », constate Mme Nigrelli. Elle admet qu’elle a réussi à traverser le carrefour avec l’aide de Vincent Chabot, mais qu’elle n’oserait jamais se risquer seulement avec son chien-guide Irwin ni avec sa canne blanche. « C’est tout simplement impensable pour moi. Je peux traverser de plus petites rues, mais pas Yvon-L’Heureux et Richelieu, par exemple », tranche-t-elle. Elle met quiconque au défi de tenter de traverser ce secteur les yeux fermés avec une canne blanche pour confirmer que le carrefour giratoire n’est pas facilement accessible, alors qu’il s’agit d’un secteur névralgique de Belœil.
Des exemples ailleurs
Claudia Nigrelli croit que l’administration de Belœil n’a pas à aller très loin pour trouver des exemples d’accessibilité universelle réussie. « À Mont-Saint-Hilaire, il y a une traverse sonore où les poteaux se “parlent”, ce qui aide à rester en ligne droite vers le poteau de l’autre côté de la rue. Ça fonctionne très bien! » Elle cite aussi des exemples du côté des États-Unis ou encore à Ottawa qui pourraient aider à améliorer l’accessibilité universelle sur le territoire belœillois.
« J’estime que la ville l’est actuellement à 60 %. On ne peut pas être toujours à 100 % parce qu’une mesure peut être accessible pour un handicap, mais ne pas l’être pour un autre, mais la Ville pourrait aller chercher 20 à 25 % de plus, sans dépenser beaucoup d’argent. Aux États-Unis, il y a des signaux sonores un peu partout. À Ottawa, je traverserais la Bank Street, une artère importante, mais je ne traverserais jamais Yvon-L’Heureux ou Sir-Wilfrid-Laurier », raconte la citoyenne qui a écrit à la Ville plus d’une vingtaine de fois depuis qu’elle demeure à Belœil pour des actions qui pourraient être mises en place pour améliorer l’accessibilité pour tous.
« Je ne me bats pas que pour moi : c’est à tous les citoyens, même ceux qui n’ont aucun handicap, que l’accessibilité va profiter. […] L’accessibilité, c’est synonyme de sécurité pour tous. Ma sortie n’est pas une frustration, mais bien un appel du cœur que je fais, surtout que personne n’est à l’abri d’un handicap dans le futur avec notre population vieillissante. » Pour Claudia Nigrelli, la Ville pourrait facilement améliorer l’accessibilité de ses rues en repeinturant les traverses pour qu’elles soient bien visibles et entretenir ses trottoirs, par exemple en coupant les branches qui dépassent des buissons, en réparant les fissures des trottoirs et en sensibilisant la population pour qu’ils ne mettent pas leurs bacs sur les trottoirs.
Engagement politique indépendant
Au moment de la rencontre, Mme Nigrelli venait tout juste d’annoncer sa candidature aux élections municipales sous la bannière du parti Belœil, c’est nous!. Elle précise qu’au moment de son intervention au conseil, elle ne s’était pas encore engagée politiquement, et elle ne souhaite pas être seulement associée à cette cause. « Je ne veux pas être connue comme la fille aveugle avec son chien qui s’intéresse à l’accessibilité. Je constate les problèmes des poubelles et du déneigement, comme tout le monde à Belœil! »
De son côté, le conseiller Vincent Chabot a pris note des observations partagées par Claudia Nigrelli et croit que certaines actions pourront être entreprises d’ici l’automne grâce à l’intervention de la citoyenne. « Le carrefour giratoire touche trois districts, je suis convaincu qu’il y aura de l’écoute des autres conseillers et qu’on va travailler en équipe pour faire avancer le dossier. La Ville a toujours été de bonne foi là-dedans et s’il y a quelque chose qu’on a mal fait, c’est par manque de connaissance, pas par mauvaise volonté. On écoute et on apprend pour mieux faire », conclut-il.