28 avril 2025 - 05:00
Le besoin de règles
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Je m’excuse d’avance, ce texte sera une sorte d’entre-deux. Je l’écris vendredi, juste avant d’envoyer le journal aux presses, sans connaître le résultat des élections fédérales. Plus près d’ici, la bombe que représente la fin de La Maison des peuples autochtones, telle que nous la connaissons, vient à peine d’exploser, et je n’ai pas encore en main les éléments pour commenter la situation.

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Mais il me trotte dans la tête une certaine amertume à propos de l’annonce de la fermeture (ou non) du Vignoble du Mouton noir, à Saint-Antoine-sur-Richelieu. On en avait annoncé la fin en raison de contraintes réglementaires, mais des discussions avec un acheteur potentiel pourraient finalement permettre sa relance.

Je comprends que les cadres réglementaires et les lois – parfois désuètes – des différents paliers de gouvernement puissent se traduire par une lourdeur bureaucratique. Alléger tout ça, j’en suis. Et c’est d’ailleurs ce qui ressort de nombreux commentaires Facebook sous la publication du vignoble : trop de règles, et le gouvernement chercherait à tuer les petites entreprises.

Au risque de m’attirer des foudres, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce consensus. Mais quittons le cas du Mouton noir, qui ne sert ici que de point de départ pour la discussion.

Lac-Mégantic, L’Isle-Verte, Old Montreal… est-ce que ces noms vous sonnent des cloches? Ces tragédies, survenues dans des contextes bien différents, ont toutes mis en lumière de graves lacunes dans la réglementation, et surtout dans son application. À Lac-Mégantic, en 2013, le déraillement d’un train de pétrole a causé la mort de 47 personnes, révélant un encadrement déficient du transport ferroviaire. En 2014, l’incendie d’une résidence pour aînés à L’Isle-Verte a coûté la vie à 32 personnes, dans un bâtiment sans gicleurs. En 2023, l’incendie d’un immeuble patrimonial du Vieux-Montréal, où des logements touristiques étaient exploités illégalement, a fait sept morts et exposé de graves failles dans la surveillance des plateformes comme Airbnb. Trois rappels douloureux de l’importance de règles.

Est-ce la même chose au Vignoble? Bien sûr que non – j’exagère un peu pour les fins de la discussion. Je comprends qu’il y a une nuance entre le zèle administratif et la réglementation adéquate, une différence entre gros bon sens et enchevêtrement bureaucratique. Mais ce n’est pas pour rien qu’on a des règles.

Et je trouve qu’il est devenu un peu trop facile de blâmer à tout vent les instances gouvernementales. On le sent chez certains intervenants qui se réclament un peu plus de la droite économique. Encore plus, on observe une attaque frontale, chez nos voisins du Sud, de l’administration Trump contre les agences et les processus gouvernementaux. Et si certains s’en réjouissent, moi, ça m’inquiète profondément.

Oui, la bureaucratie rime souvent avec lourdeur. Mais c’est grâce à elle que je peux manger ce que j’achète à l’épicerie sans craindre l’intoxication, rouler sur les routes sans avoir peur de recevoir un viaduc sur la gueule, ou prendre l’avion sans espérer qu’il ne s’écrase.

Quand des histoires comme celle du Vignoble surviennent, notre premier réflexe est de blâmer le gouvernement. Bien d’accord, surtout quand la paperasse devient étouffante. Mais croyez-vous vraiment, comme le disent certains, que le but du gouvernement est de nuire aux entreprises? Le dire tout haut suffit à montrer à quel point cette idée est absurde.

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