Le père de la victime, Éric Boudreault, a décidé de déposer une demande de révision auprès du comité de déontologie policière après que sa plainte déposée au Commissaire eut été rejetée le 28 février dernier. M. Boudreault visait dans sa plainte cinq policiers pour avoir « fait défaut de protéger sa fille malgré les différents signes ». Il visait les quatre agents qui étaient intervenus au dépanneur où travaillait Daphné Huard-Boudreault, le matin du drame, en plus de viser l’agente qui a accueilli la jeune femme au poste.
Rappelons que Daphné Huard-Boudreault a quitté le poste sur l’heure du midi pour aller chercher ses effets personnels dans l’appartement qu’elle partageait avec Pratte-Lops sur la rue Forest, à Mont-Saint-Hilaire. L’agente a insisté pour accompagner la victime, même si cette dernière ne voulait pas déranger la policière. Daphné a quitté le poste par la porte avant et la policière par la porte arrière. Daphné est arrivée chez elle quelques minutes avant la policière, qui est arrivée après le drame.
Un sujet clos, un autre à revoir
Le juge administratif Pierre Gagné maintient la décision du commissaire concernant les événements liés au dépanneur comme quoi les policiers n’avaient pas commis de manquement à leur travail. Il a demandé toutefois au Commissaire de poursuivre son enquête sur la visite de Daphné Huard-Boudreault au poste de police, et ce, dans un délai de 30 jours. « Il se peut que le délai imposé ne puisse pas être respecté en raison de la situation actuelle de la COVID-19. À la suite de son enquête, le Commissaire devra à nouveau rendre une décision. Si cette dernière ne satisfait pas M. Boudreault, il pourra toujours faire une autre demande de révision », explique la porte-parole du comité de déontologie policière.
Matière à arrestation?
Le comité veut savoir si un policier aurait dû procéder immédiatement à l’arrestation de Pratte-Lops avec les informations qu’il avait en main, et ce, même si la jeune femme ne voulait pas porter plainte.
En effet, Daphné Huard-Boudreault était venue au poste pour récupérer son mot de passe de son compte Facebook qui avait été trafiqué par son ex-petit ami. Ce dernier avait aussi volé son téléphone cellulaire et avait publié des messages concernant la jeune femme. Selon le juge administratif, ces faits permettaient aux policiers de conclure que Pratte-Lops harcelait la victime.
Pour appuyer sa décision, Pierre Gagné cite une directive policière qui explique notamment que la violence conjugale se manifeste par du harcèlement et que les forces de l’ordre doivent enquêter indépendamment de la volonté de la victime de porter plainte ou non.
Des intervenants pour appuyer les policiers
Éric Boudreault a accepté de commenter ce dernier développement, lui qui est convaincu que Daphné n’a pas été protégée lors de l’intervention au dépanneur ainsi qu’au poste de police. « Les policiers savaient que Pratte l’avait volée, séquestrée dans sa voiture, intimidée devant les policiers qui l’ont même laissé entrer dans le dépanneur pour intimider ma fille pendant que les policiers lui demandaient si elle voulait porter plainte. »
Le père de la victime ne ménage aucun effort pour faire changer des choses. Il a témoigné en mars dernier devant le comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Il souhaite que la formation des policiers soit revue et que, dorénavant, des intervenants sociaux soient présents avec les policiers lors d’une intervention.
M. Boudreault a été accompagné notamment dans sa demande de révision par l’Association des familles de personnes disparues du Québec (AFPAD) et de sa directrice générale, Nancy Roy. « Tant que personne ne se sera tenu imputable, nous continuons la bataille, ajoute Mme Roy. Il y aura aussi d’autres démarches entreprises dans le dossier de Daphné Huard-Boudreault auprès de la Commission des droits de la personne. »
De son côté, la Régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent s’est abstenue de tout commentaire.
Rappelons qu’au printemps 2019, le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait décidé de ne pas déposer d’accusations criminelles contre les policiers. Quelques semaines plus tard, au lieu de subir un procès, Pratte-Lops avait accepté de plaider coupable de meurtre non prémédité. Il a eu une peine d’emprisonnement à vie avec une possibilité de libération conditionnelle après 18 ans de détention.