17 janvier 2024 - 07:00
Le futur du Québec n’est pas vert, il est sombre
Par: L'Oeil Régional
J’ai lu avec intérêt les lettres ouvertes publiées dans ces pages la semaine dernière. Originaire d’Abitibi-Témiscamingue, Richard Desjardins est comme un vieil oncle pour qui j’ai un attachement fraternel. J’écoute toujours ses propos avec intérêt, je partage son respect pour les Premières Nations et l’attachement au territoire. Je crois que L’Action boréale, qu’il a fondée, est un « lanceur d’alerte » nécessaire et pas assez entendu.
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J’ai aussi lu avec intérêt les propos de M. Cerruti, difficile de passer à côté cette semaine. La stratégie de communication était habile. Son attachement à des valeurs de toute apparence écologiques et sa posture de collaboration et son indignation un peu feinte devant les remises en question étaient efficaces. Pour peu on nous assurait que Northvolt et Greenpeace sont frère et sœur.

Comme les autres élus de la région, j’ai assisté avec intérêt à une présentation de Northvolt sur l’implantation de l’usine à McMasterville. Le représentant a bien fait son travail, il nous a démontré combien l’entreprise suédoise est exemplaire en matière de pratiques écoresponsables et à quel point les normes suédoises qui suivent l’implantation des projets ailleurs dans le monde sont fiables.

Toutefois, les réponses aux questions des élus sur la conservation des milieux naturels in situ de même que sur l’approvisionnement en minerai pour la fabrication des batteries miraculeuses ou sur les plans d’urgence en cas d’accident majeur m’ont semblé plutôt évasives.

Ce projet est en marche, il semble bien que la décision du gouvernement soit prise. De manière générale, je ne doute pas de la bonne volonté de Northvolt, et des normes environnementales suédoises, qui m’inspirent plutôt confiance. Je crois que le problème se trouve ailleurs.

Dans mon Témiscamingue natal, un coin de pays où lacs et forêts sont purs et abondants, les claims vont bon train. Quand une compagnie minière décèle un potentiel économique dans le sous-sol d’une région, elle n’a qu’à acheter le droit d’exploitation du sous-sol : le claim minier. On s’est mis à acheter quelques claims pour pouvoir continuer à se rendre au camp dans le bois familial dans les prochaines décennies. On a découvert que toute la région qui entoure notre lac, et probablement bien au-delà, est « claimée ». Il y aura donc exploitation minière au bord des majestueux lacs du Témiscamingue et partout dans les régions nordiques du Québec.

Une telle exploitation de nos richesses naturelles n’est pas sans conséquences. Les sites autour des mines, que ce soit Val-d’Or ou Malartic ou ailleurs dans le monde, sont des paysages lunaires. La fertilité des sols y est compromise à jamais. Je ne parle pas simplement ici du sort d’oiseaux et d’amphibiens, je parle de préserver les précieuses ressources en eau potable et la fertilité de sols qui ont le potentiel de produire des milliers de tonnes de nourriture. Je parle de préserver le territoire agricole, qui va migrer vers le Nord en raison du réchauffement climatique, et par le fait même d’assurer la survie de notre nation. Ce futur semble lointain, comme si le sort des enfants de nos enfants n’avait pas d’importance.

Tout le monde est pour l’électrification des transports, chacun veut sa voiture électrique. La frénésie des batteries électriques peut continuer puisqu’on pourra continuer à rouler en voiture écolo et avec le peu qui restera du transport collectif électrifié. La batterie électrique sauve le concept de la voiture individuelle et de notre mode de vie qui y est lié. Sa fabrication nécessite tellement de ressources qu’elle est une bien mince solution aux enjeux climatiques. Elle préserve les apparences et notre sentiment de culpabilité, pas la planète.

Mes ados ne liront pas ceci, heureusement, car j’ai de plus en plus de mal à les regarder dans les yeux lorsqu’elles parlent du futur. Elles me disent ne pas vouloir d’enfants et je ne tente pas de les dissuader. Parce qu’aujourd’hui, lorsque je regarde la conjoncture économique et les décisions qui sont prises, je crois que le futur du Québec n’est pas vert, il est sombre.

Mélodie Georget
Conseillère municipale Mont-Saint-Hilaire

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