L’Œil Régional a été invité par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette, à une entrevue pour discuter du projet Northvolt. Nous avons donc accepté de le rencontrer dans une entrevue sur la plateforme Teams.
Mais le volet environnement reste très important et plus que nécessaire, a martelé le ministre en entrevue. « Nous sommes dans une course à l’électrification notamment dans le transport, et à la décarbonation en général. Le monde des batteries est contrôlé par certains pays [comme la Chine] où leur fabrication se fait dans des conditions environnementales absolument dommageables, autant dans l’extraction des minerais que dans la fabrication des batteries. On va pouvoir se targuer avec le projet de Northvolt d’avoir les batteries parmi les plus vertes au monde. »
Pas de BAPE
Même devant l’absence d’un BAPE, comme le demandent plusieurs spécialistes en environnement et citoyens, le ministre insiste sur le fait que le projet sera soumis à une évaluation stricte du gouvernement. Concernant l’injonction du 26 janvier, le ministre se dit satisfait de la décision du tribunal. « Le jugement, on l’accueille de façon favorable. »
Rappelons que le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et trois citoyennes ont déposé le jeudi 18 janvier une demande d’injonction. Le CQDE estimait que « l’abattage d’arbres a été observé et que la destruction de milieux humides abritant des habitats d’espèces en situation précaire est imminente ». La Cour supérieure a toutefois rejeté la demande d’injonction.
Selon le ministre Charrette, le jugement confirme la rigueur du ministère. « Ceux et celles qui craignaient qu’on offre des passe-droits ou qu’on ait réservé un traitement spécial à Northvolt [peuvent voir] qu’il n’en est rien. C’est la même rigueur qui s’est appliquée et les suivis se feront avec autant de rigueur. »
Il précise aussi que cette autorisation de couper les arbres concerne seulement la préparation du terrain et que les travaux sont bien encadrés. Pour la suite des choses, l’entreprise devra obtenir d’autres autorisations du ministère.
Toujours concernant le BAPE, malgré les demandes répétées d’une partie de la population, le ministre n’en démord pas : le projet respectait les critères pour ne pas être soumis au BAPE. Et ce, même si plusieurs observateurs soulignent que le gouvernement de François Legault a modifié ses critères en février 2023 pour permettre à une entreprise de cathodes de construire une usine sans passer par un BAPE quelques mois seulement avant l’annonce du projet Northvolt. Radio-Canada, dans un article daté du 26 septembre, souligne même que Northvolt « a fait pression » sur le gouvernement pour faire modifier la réglementation.
« C’est une question légitime, mais nous n’avons pas modifié quelque règle que ce soit pour Northvolt. Ceux qui pensent que c’est une tentative de passe-droit, ce n’est pas du tout le cas. Oui, la filière batterie, c’est relativement récent. Notre réglementation n’en faisait aucunement mention et elle n’était pas adaptée avec cette nouvelle filière et nous sommes venus, avec des spécialistes du ministère, à établir les bases et les seuils déclencheurs. » Le gouvernement s’est seulement « donné une réglementation pour la filière batterie », affirme le ministre. Notons que L’ŒIL n’a pas eu accès aux avis de ces spécialistes.
Le ministre insiste aussi pour dire que le ministère a les procédures environnementales les plus strictes au monde, mais que ce qui fait aussi sa valeur, c’est sa prévisibilité. « Les promoteurs savent à quoi s’attendre et décident d’aller de l’avant ou non avec leur projet. Si on ne respecte pas ces déclencheurs et que des BAPE peuvent survenir sans se fier à une réglementation établie, c’est là qu’on perd toute prévisibilité, c’est là qu’on vient compromettre des projets. »
Questionné sur les impacts sur la rivière Richelieu découlant de l’utilisation de l’eau par la future usine, le ministre Charrette s’est voulu rassurant. Plusieurs autorisations seront requises en lien avec l’utilisation de l’eau. Et concernant le chevalier cuivré, une espèce de poisson menacée que l’on trouve dans la rivière Richelieu, le ministre précise que le gouvernement fédéral possède une réglementation à ce niveau-là. Pour ce qui est de l’utilisation de l’eau et des rejets, c’est un des éléments les plus encadrés au Québec, ajoute-t-il.
« Bon élève »
« Nous sommes en présence d’un bon élève [avec Northvolt], je le dis ouvertement. Au ministère de l’Environnement, tous les jours, on compose avec ce que je considère de mauvais élèves, des entreprises qui ne se bâdrent pas de la réglementation et souhaitent tourner les coins ronds à la première occasion. Ce n’est pas le cas de Northvolt, une entreprise exemplaire. On a pu voir comment elle opérait en Europe. »
M. Charrette a aussi profité de la discussion pour justifier le choix du site pour Northvolt, alors que le ministère de l’Environnement était moins favorable à un projet immobilier qui pourrait détruire des milieux humides. Pour Northvolt, il « faut rappeler […] qu’on parle d’un immense terrain, avec vocation industrielle pendant de longues décennies, qui est contaminé sur certaines de ces portions. Ce n’est pas le même projet et aux mêmes endroits. Le projet Northvolt va protéger des milieux plus sensibles, ce que ne permettait pas le projet résidentiel ».
Il rappelle d’ailleurs l’obligation de l’entreprise de trouver un terrain, idéalement dans la région, afin de le protéger à perpétuité pour compenser la destruction de milieux humides sur le terrain de Saint-Basile-le-Grand. Selon lui, plusieurs options sur la Rive-Sud sont étudiées par l’entreprise en ce moment, avec un accompagnement du ministère. L’entreprise a trois ans pour identifier le terrain.
Cette mesure est couplée à l’obligation pour l’entreprise de verser un montant de 4,7 millions en compensation.