Le journal a offert à M. L’Abbé l’occasion de répondre à nos questions sur son passé. Le candidat a refusé de nous accorder une entrevue, mais a fait parvenir un courriel au journal avec certains commentaires, notamment pour vanter son parcours professionnel. Le courriel ne répondait toutefois pas à l’ensemble de nos questions.
Site pour danseuses nues
En tant que président et concepteur de l’entreprise Gon Interactive, spécialisée en animation 3D (de 2009 à 2017 selon son CV en ligne), M. L’Abbé était aussi producteur du site web Goldenstrippers.
Dans une entrevue publiée en 2011 sur YouTube, on peut voir le candidat à la mairie en compagnie de deux jeunes femmes, qui s’identifient comme des danseuses nues, faisant la promotion du site goldenstrippers.com. M. L’Abbé, qui se présente comme le producteur du site, décrit sa plateforme comme un site payant où les abonnés peuvent assister à des performances de danseuses, sur scène ou dans les sections VIP de plusieurs clubs du Québec. « Nous avons toutes sortes de filles : des brunes, des blondes, des Asiatiques, des Noires, de belles filles […] pour tous les goûts. Ces filles ont besoin d’action », déclare-t-il dans la vidéo, ajoutant que les deux femmes qui l’accompagnent sont des « fresh girls » et que le site est accessible pour aussi peu que 3,25 $.
La vidéo de l’entrevue a été mise en ligne par la chaîne YouTube NYROCKSTV Phil Fiumano, un site web se décrivant comme un « rockin’ music variety show ». L’entrevue a été tournée lors d’un événement Exxxotica, un salon américain consacré au divertissement pour adultes. Il n’a toutefois pas été possible de déterminer lors de quelle édition précise remonte cette entrevue.
Même si le site Goldenstrippers n’est plus actif aujourd’hui, il est encore possible d’en retrouver la page d’accueil. Aussi, le journal a pu consulter des versions antérieurs du site web – via une plateforme d’archivage – où figurent des images de femmes nues ou en plein actes sexuels. En bas de page, le site indiquait être géré par Gon Interactive, et un lien menait vers une adresse courriel associée à l’entreprise.
Dans ces versions archivées, le site mentionne la présence de « milliers de photos » et de « nombreuses heures de vidéos », mettant en vedette de « vraies strippers ».
Bien que ce type d’entreprise soit parfaitement légal et que M. L’Abbé n’y soit plus associé aujourd’hui, des résidents d’Otterburn Park ont communiqué avec L’Œil Régional pour faire part de leur inconfort à l’égard de sa candidature à la mairie en raison de ses anciennes activités reliées au milieu des bars de danseuses.

Stéphane L’Abbé, à droite, en compagnie de deux danseuses nues, alors qu’il accorde une entrevue en 2011 à propos du site web goldenstrippers.com, dont il se dit le producteur.
Photo capture d’écran YouTube
Dans sa réponse courriel, M. L’Abbé souligne que sa firme « fut approchée, comme tout professionnel du multimédia, par des clients œuvrant dans le divertissement ». Il souligne que le terme « pornographie » est inexact et qu’il faudrait plutôt parler d’un travail dans le « milieu de l’érotisme et du divertissement artistique ». Il souligne que l’opérateur du site a abandonné le projet Goldenstrippers environ un an plus tard. Il ne nomme pas l’opérateur et ne répond pas à nos questions à savoir s’il était bel et bien le producteur du site, comme il le soutient dans l’entrevue.
Démêlé judiciaire
Dans un tout autre dossier qui n’est pas connexe, L’Œil Régional a aussi constaté qu’en mars 2023, Stéphane L’Abbé a fait l’objet d’une procédure en vertu de l’article 810 du Code criminel, une disposition permettant d’imposer des conditions à une personne lorsque l’on craint qu’elle puisse troubler la paix ou poser un geste de violence. Selon le gouvernement du Québec, via le site web quebec.ca, une telle mesure préventive peut être utilisée pour éviter une condamnation formelle et peut être ordonnée par un juge même lorsqu’un crime n’a pas été commis.
Au moment d’écrire ces lignes, le journal n’avait pas obtenu une copie des documents de la cour, mais une demande a été déposée au palais de justice de Saint-Hyacinthe et les délais peuvent s’étirer sur plusieurs semaines en raison de l’archivage du dossier. Le plumitif permet toutefois de noter que l’affaire a été ouverte à la suite d’une intervention de la Régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent. Cette intervention a mené à plusieurs comparutions entre mars 2023 et mars 2024. Selon le plumitif, M. L’Abbé est demeuré en liberté tout au long du processus, représenté par un avocat. Le 1er mars 2024, le dossier a été rayé, ce qui signifie que la cour a mis fin à la procédure sans qu’aucune condamnation ne soit inscrite.
Dans son courriel, M. L’Abbé se décrit comme une victime dans ce dossier qui relève « de sa vie personnelle ». Il souligne que le dossier a été « rayé » par la Couronne, « ce qui indique clairement l’absence de fondement à cette plainte ». Toutefois, selon nos recherches, le fait qu’un dossier 810 soit rayé ne veut pas dire qu’une plainte soit fondée ou pas, mais plutôt qu’une procédure judiciaire est terminée.
Autres réserves soulevées
Le candidat à la mairie d’Otterburn Park a également été critiqué pour une publication sur les réseaux sociaux. Au début du mois, M. L’Abbé a publié une vidéo à saveur électorale tournée dans le Boisé des bosquets Albert-Hudon, à Otterburn Park, afin de commenter la récente acquisition du parc par la Ville. Or, le site est fermé au public depuis le 3 mai 2024, comme l’indiquent clairement les affiches installées sur place. M. L’Abbé a justifié sa vidéo par le fait que le site « est visité quotidiennement par des dizaines de citoyens depuis sa “fermeture” ainsi que son acquisition » et qu’il avait croisé des dizaines de citoyens à l’entrée du site.

Stéphane L’Abbé a tourné une vidéo dans les sentiers du Boisé des bosquets Albert-Hudon alors que le site est interdit aux marcheurs depuis mai 2024.
Photo capture d’écran Facebook
Par ailleurs, des citoyens ont soulevé à L’Œil Régional et sur les réseaux sociaux que les dépliants électoraux des candidats indépendants associés à l’équipe de M. L’Abbé ont été imprimés en Ontario, comme en témoignent les mentions sur le matériel. Et ce, même si le dépliant met de l’avant une promesse de « favoriser une économie locale ».
Dans son courriel, le candidat répond avoir eu recours à « VistaPrint pour sa rapidité, sa qualité, son engagement durable, ses outils de création gratuits et son coût, ce qui est à l’image de notre campagne : minimiser les dépenses qui seraient refilées aux citoyens ».









