8 février 2023 - 07:00
Le prix des boulettes
Par: L'Oeil Régional
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Dans une publicité, Walmart propose trois recettes à faire avec un seul sac de boulettes de viande surgelées dans une semaine. Un sac à 9 $ pour nourrir le plus possible la famille.

Publicité
Activer le son

J’entends presque la voix de l’annonceur en fin d’annonce : « On le sait que vous êtes serré encore ce mois-ci, alors bonne chance avec nos boulettes ».

Quand on ne me parle pas de la neige, on me parle d’argent. L’épicerie, bien sûr. « As-tu vu le prix de la livre de beurre? » Cet ultime baromètre qu’est ce bloc de gras.

Mais aussi beaucoup le loyer ou l’hypothèque. La crainte des hausses de loyers, le taux d’intérêt des prêts hypothécaires qui explosent.

Entre voisins, dans notre groupe de discussion Facebook, j’ai vu jusqu’à 160 $ d’augmentation pour un 4 et demi. Peu importe ton salaire, une hausse du genre, ça détruit ton budget.

L’impact de l’argent sur notre vie est tel que même des firmes comme Léger, en compagnie de l’organisme Centraide, ont dévoilé en novembre dernier le tout nouvel indice d’anxiété financière pour quantifier l’évolution du stress économique à travers le temps.

Big surprise gang, mais l’argent nous stresse. Nous ne sommes pas tous égaux devant cette anxiété. Mais 85 % des Québécois disent vivre de l’anxiété financière, « à des niveaux variables allant de légers à extrême ». C’est 42 % des Québécois qui vivent une anxiété de modéré à extrême. Ça veut dire qu’une personne sur deux est inquiète avec l’argent. C’est pire chez nos jeunes. Peur de manquer d’argent pour rembourser les dettes, les imprévus ou faire une croix sur l’achat d’une maison. C’est même la crainte de ne pas arriver à couvrir les dépenses du quotidien. Et ça, ça met une pression quotidienne sur les gens. L’anxiété, c’est ça, une ombre toujours présente. Comme le résumait un ami qui a fréquenté longtemps une personne anxieuse : « C’est une troisième personne toujours présente dans le couple. Ça va bien, tu décides d’aller au restaurant à deux, puis tu as toujours la troisième personne qui vient s’incruster et qui a peur que tout déraille. »

Et je parle ici des gens de la classe moyenne. Je ne parle même pas des personnes vivant avec des salaires sous cette moyenne, c’est-à-dire les familles avec un revenu annuel inférieur à 40 000 $, les chefs de famille monoparentale, les femmes, les personnes ayant une limitation fonctionnelle et celles sans diplôme d’études postsecondaires. Eux, ils y goûtent à temps plein.

Avec ce constat, Centraide rappelle dans un communiqué l’importance du milieu communautaire. Je suis bien d’accord. Mais j’ai fait le tour de plusieurs directeurs et directrices de ces organismes en octobre dernier pour un reportage. Devinez quoi? Pénurie de main-d’œuvre, employés sous pression et possibilité de sabrer certains services. Ben oui, comme partout.

Je vois plein d’articles dans les médias nationaux pour donner des conseils afin d’économiser un peu de sous ou encore mieux organiser son budget. Ou encore pour décortiquer tous les aboutissants d’un programme comme le CELIAPP pour permettre un peu d’espoir d’accès à la propriété. J’en suis.

Mais, ça ne nous tente pas à la place, des articles pour nous expliquer comment démanteler des systèmes qui permettent aux PDG canadiens de gagner le salaire annuel d’un employé moyen en une heure? Oui, en une heure! Pour réussir ça, faut que tu gagnes 243 fois plus que le travailleur moyen…

Ben non, faudrait repenser tout le système. C’est bien moins de trouble d’aller s’acheter un sac de boulettes surgelées.

image