La propriétaire de la maison, Nataliia Slavna, nous accueille chez elle dans un français impeccable. Elle a immigré ici avec son mari Oleksandr et leurs enfants, Anna et Illia, il y a environ huit ans pour s’épanouir. Une décision bien réfléchie, contrairement aux huit Ukrainiens qu’ils accueillent chez eux, des membres de leur famille et des amis, qui ont dû quitter rapidement leur terre natale lorsque l’armée russe a commencé à attaquer leur pays en février dernier.
En pleine nuit, lorsque son mari lui a dit que « c’était commencé », en parlant de la guerre et des bombardements, Nataliia a tout fait pour faire venir sa famille et ses amis ici.
« Je n’ai pas hésité, raconte-t-elle. À ma place, tout le monde aurait fait la même chose. Je n’aurais pas pu réagir autrement que de leur donner de la sécurité, leur donner la chance d’être dans un bon pays. Je ne peux pas aider tout le monde, mais je peux commencer par ma famille et la famille de mon amie. »
Et ce n’est que le début. La petite famille de McMasterville accueillera les familles d’un cousin et d’une cousine dans les prochains jours. Sept autres Ukrainiens qui s’ajoutent aux 4,9 millions qui ont déjà fui le pays depuis le début de la guerre, selon l’ONU. « Je veux aider le plus de gens que je peux », dit Nataliia.
Longue route
Dès les premières heures de l’invasion, Nataliia Slavna a tout de suite pris contact avec sa famille. « Quand les bombardements ont commencé, ma mère s’est cachée quelques heures dans une cave avec son petit-fils. Puis avec seulement un sac à dos et des passeports, elle s’est enfuie pour traverser la frontière polonaise et quitter son pays », raconte-t-elle. Si sa mère est maintenant ici dans sa maison, son père, lui, continue d’offrir de l’aide humanitaire en Ukraine. Ses grands-parents sont encore là-bas, mais elle a accueilli sa sœur avec sa famille.
Nataliia a aussi offert à une amie de venir la rejoindre ici au pays. « Mais son mari est resté là-bas. Il aide à la défense du territoire. On sait qu’il va bien, et qu’il est surtout heureux de savoir sa famille en sécurité. »
Les réfugiés commencent aussi à retrouver un peu le moral, pense Nataliia. En tout cas, le niveau de stress diminue. « Ils dorment mieux, mangent bien. On suit les nouvelles. On comprend que ça va prendre plus de temps qu’on pensait. Mon cœur aimerait que ça se termine aujourd’hui, mais ça ne fonctionne pas comme ça. »
En parlant de son pays d’origine, Nataliia rappelle que les Ukrainiens ne sont pas comme les Russes. « On est vraiment des personnes qui aiment la liberté. On aime notre pays. Si j’étais là-bas, je pourrais prendre les armes pour le défendre. Ici, ma façon d’aider, c’est de faire ce bénévolat. »
Une aide toutefois exigeante. En plus de vivre à 12 sous le même toit, la famille d’accueil a dû gérer toute la paperasse pour trouver des visas temporaires et des permis de travail. « C’est beaucoup! Ma tête roule tout le temps; en plus de devoir m’occuper de ma famille et du travail », souligne Mme Slavna, employée comme planificatrice chez Demers Ambulance.
C’est d’ailleurs son patron, Robin Demers, qui a approché le Grand Chevalier Claude Lebrun, des Chevaliers de Colomb, pour voir si ces derniers pouvaient aider les nouveaux arrivants.
Les Chevaliers se sont proposés pour faire le lien entre la famille et ceux qui voudraient donner. Surtout avec les sept autres à venir. L’organisme a déjà contribué avec son comptoir alimentaire à nourrir les nouveaux arrivants, en plus de leur fournir des manteaux. (Pour faire un don)
Nataliia souligne que, pour le moment, la famille ne manque de rien. « Les gens de mon entourage ont été très généreux », dit-elle.
D’ailleurs, si Nataliia a accepté de parler au journal, c’était d’abord pour remercier les gens qui l’ont soutenue, elle et sa famille : Carole Bertrand et Isabelle Palardy pour avoir trouvé des vêtements et des meubles et avoir aidé à trouver un endroit pour accueillir les nouveaux résidents; Dany Dufour et Jacinthe Dion ainsi que Dominic Nadeau et Colombe Boudreau, deux familles qui ont amassé de l’argent pour les billets d’avion parce que « ça coûte très cher de venir ici »; Linda Faucher, pour des vêtements; et Patric Crevier, ce résident de Mont-Saint-Hilaire qui s’est rendu en Pologne pour donner un coup de main à la frontière.
L’avenir
La suite des choses est encore floue. Son amie, venue avec le bébé et son ado de 14 ans, a maintenant trouvé un logement à Belœil. « Ça va alléger un peu la maison », dit Nataliia en riant.
La famille de sa sœur aimerait rester ici. Sa mère veut un jour retourner en Ukraine pour retrouver son pays et son mari. Son amie, elle, veut rester avec sa famille, mais c’est encore trop tôt pour prendre une décision définitive. « Ils n’étaient pas prêts à immigrer, pas comme nous l’étions lorsque nous sommes venus ici. En Ukraine, ils vivaient leur vie comme nous. Ils ne ramassaient pas leur argent en prévision de quitter le pays », conclut Mme Slavna.