De l’avis des coauteurs, toute la famille a « une bonne plume », un héritage venant des parents qui s’écrivaient constamment lorsqu’ils étaient à distance. Dominique Garand est par ailleurs lui-même devenu professeur de littérature à l’université et a signé plusieurs essais, mais aussi un roman en 2015. C’est toutefois Chantal, résidente de la Norvège depuis plusieurs années, qui est venue « gratter le bobo » en posant en 2013 des questions sur le souvenir que ses frères et sœurs plus vieux conservaient de leur mère après son décès, qu’elle décrit comme « l’événement fondateur » de leur famille, donnant naissance à sa légende. « Je me suis questionnée sur mes repères, mon rapport avec ma mère, et je me suis rendu compte qu’il y avait un souvenir qui était accepté par toute la famille et qu’on a acheté le discours religieux de l’époque sans se poser de questions. »
Avant d’être un projet littéraire, cette recherche était avant tout une enquête menée par les deux complices, qui ont réussi, malgré certaines réticences, à convaincre tous les autres de s’exprimer sur ce que leur mère représentait pour eux. Avec les années, certains souvenirs se sont effacés ou sont devenus flous, menant à certaines « scènes manquantes ». C’est là que le livre prend la forme d’un roman même s’il part de la réalité des neuf enfants de la famille Garand, qui ont tous une vision un peu différente des mêmes événements. « On est à la frontière entre le récit et le roman, reconnaît Dominique Garand, et on sort notre mère de son tombeau dans le cadre du livre. De leur vivant, nos parents étaient de fervents catholiques, mais on imagine ce qu’elle aurait pensé si elle avait été avec nous aujourd’hui et qu’elle avait continué d’évoluer. » C’est de là que vient le titre du roman, alors qu’on imagine la conversation qu’il serait possible d’avoir aujourd’hui avec Marguerite, 64 ans après son départ.
Récit intime, sujet universel
L’improbable conversation dresse aussi le portrait d’une époque, juste avant la Révolution tranquille, avec la présence et la pression de la religion sur le quotidien, ce qui en fait un livre à la fois très intime, mais aussi très accessible pour un large public. « Le récit est intime, mais le sujet, la réalité de l’époque, est universel », confirme Chantal Garand, persuadée que ce roman saura toucher un vaste public. Elle remarque d’ailleurs une certaine résurgence de livres portant sur des événements datant de plusieurs décennies dans la littérature québécoise. « On aimerait un jour faire partie d’une table ronde avec ces autres auteurs qui reviennent aussi sur des souvenirs datant de plus de 50 ans! »
Le roman L’improbable conversation, écrit par Chantal et Dominique Garand et publié aux éditions Tête première, est en vente en librairie depuis le 13 mai. Des activités de promotion ont déjà eu lieu du côté de Montréal et de Saint-Valère, où la famille Garand a grandi, et où les deux parents sont aujourd’hui enterrés.