Je ne suis pas un spécialiste en matière de patrimoine et de préservation. Je respecte le poids du passé, s’il n’est pas trop lourd. Disons lourd comme une affiche de motel!
Je ne suis pas vraiment ému par la préservation de l’affiche du Motel Cabine, remis à la Ville de Mont-Saint-Hilaire par le promoteur et propriétaire de l’ancien hôtel. Vraiment, cette affiche est-elle un bien qui mérite de passer à l’histoire? Pour citer le conseiller municipal Gaston Meilleur : « L’enseigne va être retirée de son endroit et conservée. Nous allons voir s’il est possible de la conserver et de la mettre à un autre endroit en guise de patrimoine qui a marqué Mont-Saint-Hilaire depuis plus d’un demi-siècle. »
Rien contre la décision des élus, mais je ne partage pas leur enthousiasme. L’affiche n’est pas le Colisée de Rome; on parle d’une affiche décolorée d’un motel qui ne passera pas à l’histoire. Ben oui, 50 ans. Même si ça faisait 1000 ans! Ce n’est pas parce que c’est vieux que c’est du patrimoine. Le temps passe et, parfois, les choses deviennent juste caduques. La paroisse de Saint-Hilaire a été fondée en 1795. Mont-Saint-Hilaire a existé avant la pancarte; elle existera après!
Faut comprendre que j’ai eu la même réflexion il y a 3-4 ans lorsque « l’emblématique » affiche du magasin Archambault sur la rue Sainte-Catherine à Montréal avait été décrochée du magasin. On criait à la mort du patrimoine; moi j’y voyais juste la mort d’un magasin et le retrait de son affiche. Mais le propriétaire du bâtiment, un certain Pierre Karl Péladeau, a fait réinstaller l’affiche. M. Péladeau soutenait que l’enseigne d’Archambault était un « élément architectural incontournable de Montréal et le symbole d’un fleuron québécois fondé il y a plus de 120 ans. »
Vraiment? Moi qui y voyais juste un magasin de disques qui fermait ses portes. La croix du Mont-Royal installée en 1874 pour souligner son 40e anniversaire de fondation? Oui, c’est du patrimoine. Une affiche de magasin, aussi belle soit-elle? Pas toujours. À la limite dans un musée.
Dans la loi sur le patrimoine culturel du Québec, on définit un objet patrimonial comme « tout bien meuble […] qui présente un intérêt pour sa valeur archéologique, artistique, emblématique, ethnologique, historique, scientifique, sociale ou technologique, notamment une œuvre d’art, un instrument, de l’ameublement ou un artéfact. » Est-ce qu’il y a vraiment un mot dans la liste qui s’applique à l’affiche? Emblématique, à la limite. Mais vous pensez vraiment que cette affiche a marqué le visage de Mont-Saint-Hilaire et est emblématique de l’entrée de la ville? Si vous pensez que oui, il sera difficile pour moi de vous convaincre du contraire.
En parlant des affiches commerciales, le directeur des collections au Musée de la civilisation du Québec, Dany Brown, disait ceci. « Ce sont d’extraordinaires marqueurs. Ce sont des repères que les gens sont habitués de voir et avec lesquels ils conjuguent leur vie de tous les jours. » Clairement, il vous donne raison. Et j’ai probablement tort, je peux le reconnaître. Je le dis : rien contre l’affiche. Mais je pense parfois que nous manquons un peu de recul historique sur les choses.
J’ai une autre proposition pour l’affiche du Motel Cabine. Posons une belle photo dans l’entrée de l’hôtel de ville (en noir et blanc, idéalement; le manque de peinture va moins paraître). Puis permettons à cette vieille affiche d’aller se reposer au dépotoir. Je pense qu’on va s’en remettre.
Je l’avais dit que je serais de mauvaise foi!