L’idée d’Héritières est venue à Karine Pion pendant la pandémie alors qu’elle caressait différents projets qui ont fini par se regrouper en un seul, beaucoup plus ambitieux. « J’avais envie de travailler avec des femmes spécifiquement et d’aborder la question des legs maternels, de l’héritage collectif des femmes et des traumas. Ça a été beaucoup de travail depuis l’été 2020 et ça n’a jamais cessé de grandir : au début je voyais quelque chose avec 15 femmes, puis 20. On est finalement une trentaine à avoir participé! » Elle note qu’une seule personne invitée à participer au projet a dû décliner l’offre à cause de ses disponibilités. Et même au niveau de la technique, l’équipe est entièrement féminine… à l’exception du matriçage, par Jean-Philippe Villemure. « C’est touchant de voir que tout le monde a embarqué dans le projet et m’a fait confiance », commente Karine Pion.
L’Otterburnoise a composé l’ensemble des chansons de l’album, avec l’aide de plusieurs autres collaboratrices. Naturellement, les nombreuses voix féminines, dont celles de Marie-Pierre Arthur, Kim Richardson, Karen Young, Coral Egan, Mélissa Lavergne et Salomé Leclerc pour ne nommer que celles-ci, ont permis de créer un enregistrement très choral, mais aussi surprenant au niveau des arrangements et des textes, dont plusieurs dans des langues autres que le français. « J’ai composé chaque pièce avec l’aide de Gaële et chaque collaboratrice a mis du sien dans sa chanson. C’était presque magique comme processus parce que, lorsque j’approchais quelqu’un pour chanter sur un sujet, elle me disait qu’elle était justement rendue à chanter là-dessus. » C’est notamment le cas de « Viento nuevo », où Mamselle Ruiz aborde le sujet du pardon en espagnol.
Musicalement, l’album Héritières surprend par son éventail des styles abordés. Si plusieurs chansons sont orchestrales et laissent bien sûr place à la richesse des voix, on a droit à des moments plus planants et aériens, d’autres beaucoup plus tendus. La pop orchestrale côtoie le jazz ou encore le worldbeat au fil des 47 minutes de l’offrande studio. Si elle admet que cette sortie un peu « champ gauche » aurait pu être mal reçue, les premiers commentaires positifs – principalement venant de critiques masculins – lui permettent de croire que ce projet a bel et bien touché sa cible. « Oui, le projet est fait par des femmes avec les femmes en tête, mais tout le monde pourra l’apprécier. »
Le résultat sur album est très convaincant, mais le collectif a fait face à d’importantes contraintes de temps pour y arriver, devant tout enregistrer en seulement deux jours au studio BEAM de Saint-Adrien. « Ça ne nous a permis que de faire deux ou trois prises de chaque pièce. Je n’ai pas d’anecdote particulière à raconter sur l’enregistrement, si ce n’est que toutes les filles étaient fidèles au poste et ont pris le projet très au sérieux. Je m’attendais à ce qu’une gang de filles ensemble se mette à jaser un peu n’importe quand, mais tout le monde a été très professionnel pendant tout l’enregistrement! » souligne Karine Pion.
En tournée
Maintenant que l’album Héritières a vu le jour, le film du même nom devrait avoir une bonne vie dans les prochains mois. Et une tournée d’une dizaine de dates est déjà annoncée au printemps. « C’est un projet qui pourra avoir une longue vie. Il n’est pas possible d’avoir la distribution complète en tournée, mais on sera quand même 19 interprètes que j’ai réservées longtemps à l’avance! » précise la chanteuse, qui travaille avec Émilie Laforest pour la mise en scène du spectacle. Aucune date dans la région n’est annoncée, mais d’autres salles de la Rive-Sud de Montréal accueilleront le spectacle.
Questionnée sur la possibilité d’amener son projet féministe plus loin encore, Karine Pion ne semble pas fermer la porte à plus long terme. « Mais c’est sûr que si on m’avait posé la question le soir du lancement, j’aurais répondu que la prochaine fois, je ferais seulement quelque chose avec un petit trio jazz », lance-t-elle en riant.