« J’étais déjà habituée à faire du télétravail une journée ou deux par semaine, mais sans les enfants. Ce n’est pas facile. On n’est pas des orthopédagogues ou des professeurs. On est des parents qui essaient de faire leur grand possible avec des enfants qui ne sont pas tout le temps motivés », affirme Sophie Boily.
Cette dernière travaille pour le gouvernement fédéral en télétravail. Son conjoint combine des journées en télétravail et d’autres sur la route en travaillant comme représentant d’une entreprise de pierres dans le domaine de la construction. Elle se considère parmi les privilégiés qui ont pu compter sur des conditions de travail lui permettant de conjuguer la nouvelle réalité. Malgré tout, elle peinait, au moment de l’entrevue, à comprendre comment elle allait pouvoir accomplir tout ce qu’elle avait à accomplir le lendemain.
« En plus, mes enfants ne sont pas en situation d’échec. Mon stress, c’est que je ne voulais pas qu’ils perdent leurs acquis, leurs habitudes. Si mes enfants s’étaient retrouvés en situation potentielle d’échec, j’aurais trouvé ça stressant en tabarouette », s’exprime-t-elle.
Les enseignants fournissent un plan de travail aux parents et aux élèves. Même si l’école demeure facultative, les parents ressentent la volonté du gouvernement à ce que les études soient maintenues.
Le 14 mai, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a annoncé que les établissements scolaires de la Communauté métropolitaine de Montréal resteraient fermés jusqu’en septembre. Dans l’infolettre envoyée aux parents d’élèves de la Commission scolaire des Patriotes (CSP), on pouvait lire : « Malgré cette annonce, l’année scolaire se poursuit jusqu’au 23 juin pour tous. Les élèves ont donc quatre semaines devant eux pour boucler la boucle de leur année scolaire et se préparer pour la prochaine. Avec tous les efforts déployés depuis septembre, ce n’est pas le moment de baisser les bras. La ligne d’arrivée est tout près! »
La principale préoccupation de Mme Boily est que le plan de travail et la trousse pédagogique ne sont pas adaptés pour des parents qui doivent travailler. « La trousse est faite pour de vrais professeurs. Mettre un céleri dans un verre d’eau avec du colorant pour montrer que les plantes boivent, je n’ai pas le temps! Enseigner, ce n’est pas mon métier. Il y a une différence entre éduquer et enseigner. Mes enfants avaient envie de retourner à l’école, ce n’est pas pour rien. Je ne suis pas une bonne prof », poursuit la mère de Saint-Basile-le-Grand.
Communiquer avec son enseignant
La CSP reconnaît que la poursuite des apprentissages peut demander un certain accompagnement des parents auprès des élèves de niveau primaire, notamment pour l’utilisation des technologies. Selon le directeur général de la CSP, Luc Lapointe, les enseignants doivent s’adapter aux élèves et à leur horaire. Les communications individuelles doivent être utilisées plus fréquemment que les présentations en groupe par des plateformes web.
« Les enseignants sont assurément les personnes les mieux placées pour adapter le contenu du plan de travail aux élèves en fonction de leur capacité. Ce n’est pas conçu nécessairement pour impliquer à temps plein le parent. […] Je suis convaincu que chacune des équipes-écoles et des directions est consciente du contexte dans lequel on se trouve. Un parent qui se trouve dans une situation où il a moins la capacité d’accompagner son jeune parce qu’il est en télétravail ou qui n’est pas présent le jour, il peut communiquer avec l’enseignant ou avec la direction d’école pour voir quels sont les éléments sur lesquels se concentrer », souligne M. Lapointe.
Des élèves du secondaire au rendez-vous
L’enseignant en mathématiques à l’école secondaire Polybel Érik Chevalier explique que les enseignants se sont penchés en équipe afin d’établir les priorités à inclure dans les plans de travail des dernières semaines. Même si les élèves ont le choix de poursuivre ou non, les taux de participation sont encourageants.
« Juste avec la nouveauté de ce qu’on fait présentement, on réussit déjà à en rejoindre quelques-uns de plus. C’est tout nouveau pour eux. Ça les a accrochés. Le côté électronique vient les chercher. […] Par exemple, vendredi [22 mai], sur 86 élèves, j’avais 77 élèves présents à mon cours. C’est très impressionnant. Trois de mes collègues, du même niveau, se sont mis ensemble pour faire une classe en ligne. Ils étaient plus de 200 élèves à se connecter pour suivre la formation de leurs professeurs. C’est impressionnant de voir des jeunes qui veulent apprendre et qui posent des questions comme s’ils étaient en classe », mentionne M. Chevalier.