6 juillet 2022 - 07:00
Pénurie de main-d’œuvre
Les entreprises doivent jouer à La Grande Séduction
Par: Denis Bélanger
Marco Bérubé posant avec tous les membres de son équipe au bureau devant la planche à pagaie à la disposition de tous les employés.
Photo gracieuseté

Marco Bérubé posant avec tous les membres de son équipe au bureau devant la planche à pagaie à la disposition de tous les employés. Photo gracieuseté

Les entreprises de la région sont également touchées par le problème de pénurie de main-d’œuvre qui constitue un sérieux frein à leur croissance et à leur offre de services. Ce contexte oblige les employeurs à faire preuve d’innovation pour retenir et attirer les employés. Certains dirigeants jouent d’audace pour gâter leurs salariés comme a pu le constater L’Œil Régional.

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La directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie Vallée-du-Richelieu (CCIVR), Julie La Rochelle, rappelle d’emblée que les commerces sont notamment obligés de réduire leurs heures d’ouverture par manque de personnel. « Il est très difficile de remplacer un employé qui doit s’absenter une journée. Ça met beaucoup de pression sur les employés en poste et l’entreprise, poursuit-elle.Et là, la question de l’inflation et de la diminution du pouvoir d’achat de la population poussent à une enchère des salaires, ce qui rajoute de la pression sur les employeurs qui souhaitent demeurer attractifs. »

La concurrence entre entreprises est d’ailleurs une réalité bien présente comme en témoigne le Belœillois Frédéric Brisson, directeur général et du développement stratégique du Groupe Cosior, une entreprise en informatique basée entre autres à Boucherville. « Si j’avais 50 candidatures pour des postes dans mon entreprise, je les engagerais tous, car il y a du travail pour ça. Des fois, nous devons aller recruter ailleurs. Mais c’est certain que d’autres entreprises vont essayer de venir chasser nos têtes à nous. On réussit néanmoins à tirer notre épingle du jeu. »

L’immigration, une voie

Julie La Rochelle affirme que l’une des solutions du problème de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agroalimentaire et d’autres industries est de recruter des travailleurs étrangers.

Gabriel Borduas, le président de Cyrell AMP, entreprise de Belœil spécialisée dans la fabrication de devantures, s’est tourné vers le recrutement étranger pour assurer la croissance de son entreprise. Il y a quelques années, il est allé recruter des employés dans une spécialité recherchée en Tunisie. M. Borduas s’est de plus envolé en juin dernier au Madagascar pour recruter 10 journaliers qui devraient intégrer son entreprise dans un an.

Gabriel Borduas (droite) de Cyrell AMP, en compagnie d’employés recrutés en Tunisie.
Photo François Larivière | L’Œil régional ©

« Former un travailleur étranger, ça représente un investissement de plusieurs milliers de dollars annuellement. Mais cela vaut amplement la peine, car il est avec moi pour un certain nombre d’années garanties. Je vais pouvoir aussi aller chercher une croissance de quelques millions additionnels. L’ajout de journaliers de Madagascar me permettra d’avoir une plus grande équipe de travail de soir pour soutenir la croissance. »

Se rendre attirant

Le processus de recrutement lui-même doit être repensé pour contrer le problème de pénurie de main-d’œuvre, avance Marianne Lemay, présidente de Kolegz Stratégies RH. Basée à Chambly et comptant entre autres des employés d’ici, cette firme se spécialise dans la modernisation de l’expérience employé et candidat et allie des gens en marketing et en ressources humaines. « Des fois, l’entreprise n’a pas pris les moyens efficaces pour se faire connaître; il faut l’aider, commente Mme Lemay. L’image de notre entreprise fait beaucoup allusion à la cuisine et aux desserts. Oui, un gâteau peut avoir l’air délicieux, mais si le dessert n’a pas levé à la cuisson, les gens ne voudront pas le manger. Ce principe s’applique dans le contexte du travail. »

Marianne Lemay, présidente de Kolegz Stratégies RH.
Photo gracieuseté

Parmi les conseils de recrutement que Marianne Lemay propose, on retrouve la surembauche, technique permettant de diminuer le stress sur tout le reste de l’équipe en cas de départ ou de longue absence. « Lors d’une conférence, j’étais très sceptique lorsque j’ai entendu Pierre Leblanc, président de l’entreprise Dettes dire : always overstaff . J’ai levé ma main pour lui demander comment on peut s’en tirer financièrement si on a plus d’employés que de travail à accomplir. Il m’a répondu que l’entrepreneur qui paie pour avoir quelqu’un sur son payroll va toujours lui trouver quelque chose à faire. »

Au-delà du salaire

Plusieurs dirigeants d’entreprise sont d’avis que la rétention du personnel va au-delà du simple salaire. Les employés doivent se sentir bien pour avoir le désir de rester dans l’entreprise. « Aujourd’hui, les gens ne veulent plus surtravailler. Ce n’est pas parce qu’ils sont moins travaillants; ils veulent plus profiter de la vie. Nous permettons notamment le flexi-travail et apportons plusieurs autres attentions à nos gens », renchérit Frédéric Brisson.

Frédéric Bisson de Cosior.
Photo gracieuseté

Marco Bérubé, le président de l’agence de marketing Mobux, à Belœil, mise aussi sur l’épanouissement de ses employés avant la rentabilité absolue. « Si j’ai des employés qui veulent travailler sur un projet en particulier, je vais leur permettre de le faire. Ce n’est pas grave si finalement le projet n’a pas abouti. »

De son côté, Dany Michaud, président-directeur général du concessionnaire de machineries lourdes Voghel, à Mont-Saint-Hilaire, s’assure de réduire le stress de ses employés. « Au début de la pandémie, j’ai assuré à tout le monde que je les gardais en poste. Cette période était insécuritaire financièrement, alors je me disais que les employés aussi, ça devait les inquiéter! J’ai le devoir, en tant qu’entrepreneur, de m’assurer que mes employés puissent avoir ce soutien. »

Disney et journée chiens

Certains employeurs se sont montrés très créatifs dans les mesures adoptées pour assurer la rétention du personnel. Marco Bérubé a acheté une planche à pagaie qui est à la disposition de tous les employés. De plus, il permet à son personnel d’amener au bureau leur chien lors de journées dédiées à cet effet.

Dany Michaud se démarque lui aussi, alors qu’il amènera tous ses employés à Disney durant la période des fêtes cette année. Cette récompense a été annoncée aux employés il y a environ trois ans et découle d’un processus réfléchi. « Je voulais atteindre une certaine croissance. Pour motiver les troupes, je les ai impliquées dans le rêve commun d’aller à Disney. Je n’ai jamais dit de chiffres à mes employés pour justement ne pas les stresser. Nous avons ainsi fait l’arbre des bons coups où on affiche les efforts faits par les employés. »

Dany Michaud de Voghel et un employé à côté de l’arbre à coups.
Photo gracieuseté

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