14 novembre 2018 - 17:30
Les gars
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Les intervenantes de la Clé sur la Porte s’étonnent encore en conférence de presse de la violence faite aux femmes et aux enfants par des hommes violents. C’est un peu pour le spectacle, il faut dire. La formule «parce que nous sommes en 2018» plait bien, même si les choses tendent à changer très lentement.

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Parlons un peu de cette violence des hommes, sans se noyer dans les chiffres qui ne sont pas très reluisants de toute façon.
J’ai été invité à une discussion sur la santé et le bien-être des hommes qui doit se dérouler à la fin du mois. J’ai été invité parce que je me suis déclaré féministe quelques fois dans cette chronique ou encore parce que j’écrivais avoir soif d’égalité pour ma fille et mon fils dans leur avenir.
Et les hommes dans tout ça? Lorsqu’on parle du malaise «mâle», on parle surtout du décrochage scolaire et du suicide. Je propose d’aller au-delà des chiffres qui semblent corroborer à première vue cette crise chez nos hommes.
Je vous invite pour ce faire à écouter la baladodiffusion de l’humoriste Guillaume Wagner et son entrevue avec le chercheur en politique Francis Dupuis-Déri, un prof que j’ai eu la chance d’avoir en éthique politique. M. Dupuis-Déri parle de la condition des hommes québécois. Il revient sur son ouvrage La crise de la masculinité, qui déboulonne tous les mythes sur cette supposée crise.
Surtout concernant le décrochage et le suicide; l’auteur accuse surtout notre tendance à valoriser certains comportements dits masculins, un genre de «masculinité toxique». Je résume très grossièrement, vous m’excuserez, mais l’auteur nous invite à penser ces deux problèmes autrement. Les garçons décrochent-ils de l’école parce qu’elle n’est pas adaptée à eux, ou parce que notre société ne valorise pas la lecture chez les garçons, qu’elle valorise plus le sport que les études et que, si les garçons finissent par décrocher, il est plus facile pour eux que pour les filles de se trouver un bon emploi? Un emploi dans la construction, typiquement masculin, ne demande pas de hautes études et il peut être bien plus payant qu’un travail professionnel, par exemple.
On favorise aussi la violence chez l’homme et on valorise l’action, alors qu’on demande à une femme d’être plus près de ses émotions, de pleurer et de consulter les autres dans sa détresse. Peut-être pas étonnant qu’un homme qui pense au suicide va se crisser un gun dans la bouche et passer à l’action plus vite qu’une femme au lieu de chercher de l’aide… Tout ça découle de cette masculinité toxique. Quand je pense à la violence des hommes et aux victimes hébergées dans une ressource comme La Clé sur la Porte, je pense que le moment de revoir notre conception de la masculinité est nécessaire.
La crise des hommes n’est peut-être pas liée à la fatalité de la testostérone; c’est peut-être juste une crise du modèle et de la définition de la masculinité.
Comment peut-on régler cette crise? Peut-être par le papa. Le papa qui lit une histoire et valorise la lecture, le papa qui accepte la tristesse, le papa qui informe son fils qu’il y a une différence entre la drague et le harcèlement. Le papa qui n’accuse pas le féminisme de tous les maux du monde et qui accepte que sa condition masculine lui ait ouvert plus de portes qu’elle lui en a fermées. Est-ce que des hommes vivent des drames? Absolument. Mais le responsable de leurs malheurs n’est peut-être pas l’organe qu’ils ont dans leur culotte, mais une détresse personnelle bien réelle. Alors on consulte au lieu de s’en prendre aux femmes.

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