C’est une note interne de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) portant sur les mesures « d’optimisation » des trains de banlieue qui a mis le feu aux poudres. Selon Radio-Canada, qui a d’abord rapporté la nouvelle, la note interne évoquait le scénario de fermer les lignes de train de Mont-Saint-Hilaire, Mascouche et Candiac pour les remplacer par des autobus. Une option qui permettrait de réaliser des économies annuelles d’au plus 21 M$.
L’ARTM a tenté de calmer le jeu en soulignant que les pistes étudiées sont préliminaires et non pas pour décision ou une mise en application; l’organisme veut seulement avoir une une vue d’ensemble et assure être sensible aux besoins des couronnes. Mais dans sa réponse à L’ŒIL, L’ARTM souligne néanmoins une problématique sur le plan financier.
« Toutes les pierres sont retournées afin d’analyser la performance de tous les services de transport collectif. On veut continuer de développer le service partout sur le territoire, mais on a des ressources financières limitées. Donc, on fait nos devoirs et tous les scénarios sont à l’étude, commente le directeur des affaires publiques, Simon Charbonneau. Chose certaine, cet exercice est nécessaire puisque nous avons une responsabilité devant les contribuables et la population dont nous gérons les fonds. Toutefois, nous devons aussi continuer d’offrir des services efficaces et attrayants aux usagers. »
Le ministre et député caquiste de Borduas, Simon Jolin-Barrette, a réitéré qu’aucune cessation de service n’était prévue à ce jour. « Nous comprenons que cette information puisse susciter des inquiétudes. Le transport collectif est essentiel pour les citoyens de la Vallée-du-Richelieu, qui doivent pouvoir continuer de bénéficier de services de qualité. Soyez assurés que je suivrai la situation de très près », répond-il par courriel.
L’Œil Régional a aussi tenté d’obtenir les commentaires du député et ministre de Chambly, Jean-François Roberge, mais personne de son bureau n’a été en mesure de donner suite à la demande du journaliste.
Les maires en furie
Les maires des villes desservies par la ligne de Mont-Saint-Hilaire n’ont pas tardé à réagir vivement à la nouvelle. Selon le maire de Mont-Saint-Hilaire, Marc-André Guertin, une cessation de service viendrait mettre aux poubelles un quart de siècle de planification et d’aménagement du territoire, qui se fait notamment autour de la présence du train. « Dans la région, nous devons nous préparer à accueillir une entreprise de plus de 3000 employés (Northvolt) qui aura sans doute un impact sur les déplacements et l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) envisage des scénarios de réduction des options en matière de mobilité durable; c’est invraisemblable! C’est inconcevable que l’ARTM fasse de tels scénarios sans consulter les parties impliquées. Cela met en évidence un profond problème de gouvernance dans une entité où nous sommes sous-représentés. »
Le maire de McMasterville, Martin Dulac, assure qu’un tel scénario aurait des conséquences directes et négatives sur la communauté de McMasterville et celle des environs, ainsi que sur l’économie locale. « J’exige que le gouvernement du Québec s’engage fermement et rapidement à assurer la continuité du service de train de banlieue pour lequel la Ville de McMasterville a développé sa vision urbanistique. »
Une autre jambette
Pour les municipalités de la Vallée-du-Richelieu, ce n’est pas le premier coup qu’elles subissent en matière de transport de la part des organisations suprarégionales. Il y a eu d’abord l’implantation du Réseau express métropolitain (REM) qui a déstructuré le réseau d’autobus, rallongeant parfois le temps de transport dans certains cas. Puis, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a décidé d’augmenter partout sur son territoire à 150 $ la taxe à l’immatriculation, laquelle sert justement à financer le transport en commun. « Rien ne garantit que cet argent soit réinvesti dans l’amélioration de nos propres infrastructures de transport en commun. Cette incohérence flagrante avec les principes de développement durable et les objectifs de densification imposés par le gouvernement menace directement l’avenir de nos communautés », a commenté la mairesse de Belœil, Nadine Viau.
« Et la ministre Geneviève Guilbault veut créer une nouvelle agence pour le transport collectif (Mobilité Infra Québec). On ajoute une autre couche pour nous éloigner encore plus du centre et de la prise de décision », enchaîne pour sa part le maire de Saint-Basile-le-Grand, Yves Lessard.
Des voix s’ajoutent
L’organisme gérant le train de banlieue, exo, critique aussi les scénarios évoqués par l’ARTM. Exo estime qu’ajouter un grand nombre d’autobus sur la route pour remplacer les trains n’a pas de sens au moment où la congestion routière est à son point culminant.
« Outre l’aspect financier, le document de l’ARTM ne semble pas prendre en compte d’autres critères comme l’offre de service, la qualité du service ainsi que l’attractivité du transport collectif, déclare la porte-parole Catherine Maurice. Nous avons déjà de la difficulté à faire des projets structurants en transport collectif dans la région métropolitaine, et le manque de services en transport collectif en couronnes est flagrant. Il faut garder les services que nous avons déjà. »
L’ancien député péquiste de Borduas, Jean-Pierre Charbonneau, a joint sa voix aux autres pour dénoncer cette hypothèse. « Elle ne doit pas se concrétiser. Quand j’étais député, je me suis battu bec et ongles pour que le train se rende jusqu’à Mont-Saint-Hilaire plutôt que de terminer à Saint-Bruno-de-Montarville. »
La Chambre de commerce et d’industrie Vallée-du-Richelieu–Rouville (CCIVRR) exprime elle aussi sa solidarité envers les villes situées le long du trajet desservi par le train de banlieue à destination de Mont-Saint-Hilaire. « Nous sommes dans le mois de la mobilité durable, où nous encourageons les citoyens à adopter des moyens de transport plus écologiques. Cette mesure de l’ARTM est en totale contradiction avec les efforts collectifs pour promouvoir des solutions de transport respectueuses de l’environnement », maintient la présidente et directrice générale, Julie La Rochelle.
Une pétition en ligne (sur change.org) pour sauver les trois lignes de trains de banlieue a été instituée par des citoyens inquièts. Au moment de mettre sous presse, la pétition avait récolté 6000 signatures en deux jours.