1 août 2018 - 11:45
Les nuances de gris
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

C’est peut-être mon dernier texte avant les vacances. Mon corps se porte bien. Mon esprit se fatigue.

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’en viens à détester une partie de mon travail, celle d’éditorialiste. Parce qu’une chose commence vraiment à me lasser et ce sont les «opinioneux». Je parle de ceux qui ont une opinion sur tout et qui sévissent surtout sur Facebook et beaucoup dans certains journaux. En gros, j’en ai marre du troll et du chialeux.
Un chercheur en sciences sociales peut consacrer sa carrière à tenter de répondre à certains questionnements, pour finir par se faire rabrouer par n’importe quel ti-coune qui a accès à un clavier (donc tout le monde). Et nous allons lui accorder de l’attention. Ou, pire, de la crédibilité.
J’ai parfois l’impression de nuire en donnant mon opinion ici, qui n’est pas celle d’un expert. Bon, peut-être pas «nuire». Mais toujours faire œuvre utile? Certainement pas. Sinon de passer ma journée à me renseigner sur ce qui se passe dans la région. Je veux mon opinion nuancée, mais qui suis-je pour vraiment savoir ce qu’on retient de mes écrits?
Je ne sais pas si c’est l’été, mais les débats autour de SLĀV, de la série Insatiable (déjà condamnée par une pétition alors qu’elle n’est pas sortie) et les chroniqueurs qui crient à la censure auront eu raison de mon goût pour le débat.
Prenons un exemple concret. Aux États-Unis, les voix discordantes ont eu raison de James Gunn, qui devait réaliser le troisième film de la série Les Gardiens de la galaxie. Mais en raison de blagues très (très, très) douteuses, avouons-le, l’homme a été viré par l’entreprise Disney. Même s’il s’était excusé. Même si les paroles remontaient à plus de dix ans.
Je ne sais pas si c’est de la censure, mais wow, comme on est rendus la peau sensible. Encore une fois, peut-être que c’est le contraire. On a peut-être eu la peau trop dure et on a manqué d’empathie pendant un temps…
Je parle de Gunn parce que les acteurs ont signé une lettre en soutien au réalisateur déchu. Et les mots, que je traduis ici librement de l’anglais, m’ont fait réaliser que la nuance est la première victime de nos débats et que nous tendons de plus en plus à nous camper dans des positions aux extrêmes.
«Étant donné la fracture politique grandissante dans ce pays, il est sûr de dire que des cas comme celui-ci vont continuer, même si nous espérons que les Américains de tous les horizons politiques pourront réduire les assassinats publics et arrêter de militariser la mentalité de foule. Nous espérons que ce qui s’est passé peut nous servir d’exemple pour nous rendre compte de l’énorme responsabilité que nous avons envers nous-mêmes et les uns envers les autres en ce qui concerne l’utilisation de nos mots écrits lorsque nous les gravons dans la pierre numérique; que nous, en tant que “société”, pouvons apprendre de cette expérience et, à l’avenir, réfléchirons à deux fois avant de décider ce que nous voulons exprimer.»
Avant d’être un titre de roman cochon, la nuance de gris nous rappelait que les choses ne sont pas toujours blanches ou noires. Parfois, la vérité se trouve quelque part au milieu, entre censure et sensibilité.
Un bel été nuancé là-dessus.

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