Les policiers en question sont les agents Brigitte Légaré et Martin Fisette, qui ont rencontré la victime au poste dans l’heure qui a précédé le drame. Ils ont été reconnus coupables des deux chefs retenus contre eux par le Commissaire à la déontologie policière, soit de ne pas s’être comportés de manière « à préserver la confiance et la considération que requièrent leurs fonctions », ainsi que de ne pas « avoir collaboré à l’administration de la justice » en n’arrêtant pas immédiatement l’individu après la visite de Daphné Huard-Boudreault au poste de police.
La suite du dossier se poursuivra devant le tribunal administratif de déontologie policière pour déterminer les sanctions. Plusieurs sanctions sont possibles, les plus sévères étant une suspension sans salaire de 60 jours, la destitution ainsi que l’inhabilité à exercer les fonctions d’agent de la paix pendant cinq ans lorsque l’agent a démissionné, a été congédié ou a pris sa retraite.
Le Comité de déontologie policière avait exonéré les deux policiers le 5 avril 2023, mais le Commissaire a décidé de porter la décision en appel.
Rappel des faits
Le travail des policiers a été critiqué et mis sous la loupe dès le jour du meurtre, alors que la victime a eu deux interactions avec la police ce jour-là. Le matin, elle a appelé le 911, car Pratte-Lops refusait de quitter sa voiture stationnée devant son travail. Quatre policiers se sont présentés sur les lieux. Certains agents sont restés jusqu’au départ de l’individu. Notons que des plaintes en déontologie avaient également été déposées contre ces agents, mais elles n’ont pas été retenues.
À la suite de l’événement au dépanneur, Daphné Huard-Boudreault s’est présentée au poste de police où elle a rencontré l’agente Brigitte Légaré, puis Martin Fisette. La jeune femme avait déclaré que son ex-petit ami avait volé son téléphone cellulaire et avait ainsi pris le contrôle de son compte Facebook, mais avait refusé de porter plainte. Elle s’apprêtait à aller chercher ses effets personnels dans l’appartement de la rue Forest qu’elle partageait avec Pratte-Lops. L’agente Légaré a insisté pour accompagner la jeune femme, même si cette dernière ne voulait pas déranger les policiers. Daphné est arrivée chez elle quelques minutes avant la policière, qui est arrivée après le drame.
Pratte-Lops a été arrêté sur-le-champ et condamné, en 2019, à une sentence d’emprisonnement à vie avec une possibilité de libération conditionnelle après 18 ans de détention. Une enquête a été menée parallèlement sur l’intervention policière par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Ce dernier a déposé ses conclusions au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui a décidé de ne porter aucune accusation contre les policiers. Le père de la victime, Éric Boudreault, a concentré ses efforts auprès du Comité de déontologie policière, reprochant à la police de ne pas avoir protégé sa fille lors des interventions des agents.
Directives non appliquées
Le juge Éric Couture conclut à la culpabilité des deux policiers, car ils n’ont pas appliqué une directive du service de police en matière de violence conjugale, laquelle permettait aux agents d’arrêter une personne même sans plainte formelle. « Les policiers devaient agir promptement, sans attendre, sans délai et sans tarder pour localiser et arrêter M. Pratte-Lops. Une visite à son logement aurait permis de le localiser. Le tribunal du Comité de déontologie policière commet une erreur […] en concluant que les policiers ne pouvaient procéder à son arrestation immédiatement puisqu’il n’était pas au poste. »
Le magistrat s’est toutefois dit conscient du travail difficile des policiers. « Ils l’ont fortement conseillée de porter plainte et l’agente Légaré a imposé sa présence au logement », peut-on également lire dans la décision.
Autre dossier en cours
De son côté, la Régie n’a pas voulu commenter la récente décision, vu que le dossier est devant la chambre civile. En effet, la famille de Daphné Huard-Boudreault a déposé au printemps 2023 une poursuite contre la RIPRSL pour réclamer un peu plus d’un million de dollars pour les dommages subis, notamment en raison « de la faute policière ». L’avocate de la famille de la victime dans ce litige, Me Imane Melab du cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, a réagi : « Nous sommes contents que la Cour ait reconnu une faute. C’est un élément important pour notre recours. »
La Régie avait tenté de faire avorter les procédures judiciaires en déposant une demande de rejet. Cette requête a été refusée officiellement le 16 septembre dernier, sans la tenue d’audience. Le juge Patrick Buchholz estimait qu’il n’y avait pas de chance raisonnable de succès pour la demande de la RIPRSL.
Le dossier doit revenir devant le tribunal le 20 novembre.