Le Groupe Gestion G5, présidé par André Imbeau, a donné au Groupe RE/MAX le mandat de vendre le complexe hôtelier au prix affiché de 28 M$. La propriété entière est évaluée toutefois à un plus de 11 M$ selon le rôle triennal d’évaluation de la Ville 2020-2022. « Le coût de construction est estimé à plus de 30 M$, ce qui explique notre prix », rapporte Michel Desrivières, vice- président finances du Groupe Gestion G5.
Les effets de la COVID-19 n’ont rien à voir avec cette décision, selon M. Desrivières. Il soutient que les propriétaires sont tout simplement prêts à passer le flambeau après 15 ans. « Une certaine réflexion s’était amorcée il y a environ deux ans, mais aucune décision n’avait été prise à ce moment, poursuit le gestionnaire. Pour la famille Imbeau, c’est tout un accomplissement qu’elle a fait. Elle a donné une deuxième vie à l’endroit et apporté plusieurs améliorations. »
Le Manoir Rouville-Campbell disposait de 25 chambres quand l’humoriste Yvon Deschamps et son épouse Judi Richards, les anciens propriétaires, ont vendu la propriété à leur ami André Imbeau en 2006. Aujourd’hui, il en compte 70. De plus, un autre agrandissement a permis d’ajouter plusieurs services comme de la massothérapie et des activités de « team building ». La direction du Manoir avait acheté la maison voisine pour réaliser ce projet. « L’entreprise a investi dans les 20 M$ au cours des années », souligne Michel Desrivières.
Le montant de la transaction de 2006 n’est pas disponible sur le registre foncier du Québec, puisque ce sont les actions qui ont été vendues et non directement le bâtiment lui-même.
Le complexe hôtelier compte une trentaine d’employés, soit trois fois moins qu’à pareille date en 2019, avant la COVID-19.
Aucun acheteur potentiel n’a été approché avant de déclencher le processus de mise en vente. Le Groupe Gestion G5 n’a pas précisé non plus s’il imposerait des clauses aux prochains propriétaires pour assurer la poursuite des activités hôtelières. « Nous voulons nous assurer que le Manoir Rouville-Campbell se retrouve entre de bonnes mains », renchérit Marc Desrivières.
Un souci également partagé par la Chambre de commerce et d’industrie Vallée-du-Richelieu (CCIVR) qui a été invitée par L’Œil Régional à commenter la situation. « Nous n’avons pas d’informations sur les circonstances de cette mise en vente. Par contre, nous espérons que ceux qui vont succéder aux propriétaires actuels comprendront, eux aussi, l’importance de ce lieu historique pour le patrimoine de notre belle région », déclare la directrice générale de la CCIVR, Julie La Rochelle.
La conseillère au développement touristique de la MRC de la Vallée-du-Richelieu, Geneviève Bonneau, tient des propos similaires. « Le Manoir Rouville-Campbell est un emblème architectural et un lieu fort de notre identité régionale. L’impact de la situation pandémique est grand pour l’industrie touristique, le tourisme d’affaires et l’événementiel. Nous souhaitons que ce joyau patrimonial soit préservé dans les meilleures conditions et que ses activités contribuent à la vitalité économique de la région. »
Le Groupe Gestion G5 a aussi pris soin d’aviser en priorité la Ville de Mont-Saint-Hilaire. Cette dernière entend d’ailleurs discuter de la situation avec le prochain conseil municipal au lendemain des élections.
Beaucoup d’histoire
Un chapitre se termine ainsi dans la riche histoire du Manoir Rouville-Campbell. Son origine remonte à 1694 où Jean-Baptiste Hertel de Rouville se voit concéder la vaste seigneurie de Rouville. Plus d’un siècle plus tard, un de ses descendants a fait construire en 1832 un manoir à l’emplacement actuel du manoir Rouville-Campbell. Thomas Edmund Campbell a acheté la seigneurie en 1844. Entre 1853 et 1860, Campbell fait agrandir et modifier l’ancien manoir et l’intègre au manoir actuel.
Le site est demeuré la propriété de la famille jusqu’en 1955, lors du décès de l’épouse du seigneur Colin Campbell, Mabel Allen. Le Manoir s’est démembré tranquillement par la suite et plusieurs propriétaires se sont succédé. Laissé sans surveillance, le manoir devient la proie des vandales pendant plusieurs années.
Le sculpteur Jordi Bonet l’a acquis en 1969 et le fait classer monument historique en 1977.
Le Manoir a été transformé en hôtel en 1986 par le nouveau propriétaire Yves Dion. Frappé par une récession, le complexe hôtelier a fermé en février 1991. La fermeture sera de courte durée alors que le Manoir reprend vie en septembre grâce à Jacques et Carmen Daigle, également propriétaires à l’époque de l’Auberge des Seigneurs à Saint-Hyacinthe. Yvon Deschamps et Judi Richards l’achètent en 1996 et en font aussi un lieu de spectacle. Cette vocation a continué pendant un certain temps sous la gouverne de la famille Imbeau.