Pour L’Œil Régional, j’ai donc trouvé important de me concentrer sur la création de ce comité de liaison que l’entreprise a mis sur pied. On y trouvera sans surprise des élus et des directeurs des deux villes concernées et de la MRC de La Vallée-du-Richelieu, des directions et présidences d’organismes comme le COVABAR, des chambres de commerce, du CRE Montérégie. Le comité sera complété par la présence de six citoyens de la région.
« On souhaite se mettre en mode écoute, partager de l’information avec les membres du comité et présenter des idées et des pistes de collaboration au groupe. Nous sommes en effet en discussion avec plusieurs groupes, certains en faveur du projet et d’autres plus critiques, et on accueille ces conversations avec beaucoup d’ouverture », décrit Laurent Therrien, directeur communications et affaires publiques chez Northvolt.
Je retiens le « plus critiques ». Il fait probablement référence à Jacinthe Villeneuve et Mylène Courval, respectivement représentantes du Comité action citoyenne : Projet Northvolt et de Mères aux front, Rive-Sud. Deux femmes très préoccupées par le projet, deux femmes tout autant motivées dans leur demande pour la tenue d’un BAPE qu’impliquées dans la manifestation de leurs craintes, au point de se rendre à l’Assemblée nationale, d’organiser des actions et de mettre sur pieds des pétitions.
C’est donc un noble geste de l’entreprise, pourrait-on dire, de les inviter à la table de ce comité de liaison. J’ai deux réponses. La première est bien sûr positive. Pour deux figures tout aussi critiques du projet, le comité de liaison est l’endroit où il faut être.
Ma deuxième réponse est plus nuancée, un brin plus cynique. Dans son bestseller Les 48 lois du pouvoir de Robert Greene (une lecture fascinante sur le pouvoir à travers l’histoire), l’auteur rappelle ceci : « Ne faites jamais trop confiance à vos amis, apprenez à utiliser vos ennemis ».
Trop se fier à ses amis peut être dangereux, car ils sont susceptibles d’être guidés par leurs propres intérêts et émotions, ce qui pourrait mener à la trahison. En revanche, les ennemis, une fois transformés en alliés, peuvent devenir des soutiens beaucoup plus loyaux et fiables, car ils ont plus à prouver et sont souvent sous-estimés.
En nommant ces deux femmes au comité, l’entreprise fait d’une pierre deux coups. Oui, elle tend une oreille sur le terrain pour mieux comprendre les insatisfactions et mieux répondre aux craintes. Bravo. Mais, du même coup, elle pousse au silence les représentantes de ces deux groupes. Comment pourraient-elles ensuite se liguer contre la venue d’une usine, puisqu’elles font maintenant partie de « la solution » pour une belle intégration de l’entreprise dans la communauté ?
Je ne pense pas que cette décision de Northvol soit purement motivée par une attitude machiavélique. Toutefois, même si j’ai affirmé dans cette chronique que j’avais un biais positif envers le projet, je reste toujours prudent et vigilant et je ne souhaite pas que des voix discordantes comme celle de Mmes Villeneuve et Courval s’éteignent, bien au contraire. J’aime donc mieux souligner ce danger, même si la création de ce comité est, finalement, une excellente chose pour la région.