6 juillet 2023 - 14:28
Lettre toute verte
Par: L'Oeil Régional

Photo gracieuseté

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Vous avez sûrement remarqué : le printemps ramène avec lui le doux chant des oiseaux, l’appel amoureux des rainettes et le vrombissement d’une espèce qui est loin d’être en voie d’extinction de voix : le motoroum aquaticus.

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Le motoroum aquaticus est un proche cousin du motoroum aérien-anus et du motoroum terreur. Trois espèces envahissantes qui ont colonisé tous les milieux naturels (ou plutôt, ceux qui étaient naturels avant leur arrivée).
Dans le but d’envahir, eux aussi, l’eau, l’air ou la terre, certains humains choisissent d’adopter un Motoroum comme animal de (grosses) compagnies.
Pourtant, avec les forêts qui brûlent, la biodiversité qui s’effrite, la fragilité des cours d’eau, c’est clairement de l’indécence que de brûler autant d’essence par simple « plaisance ».
Quand on pense qu’en 2035 (dans 12 ans!), la vente de véhicules neufs à essence va être interdite au Canada, il me semble que c’est surréaliste que les loisirs motorisés soient encore autorisés? Lobby de l’industrie? Bien voyons.
Arrêtons de dire qu’on est juste une goutte d’eau dans l’océan. Arrêtons, surtout, d’être une goutte d’essence. Arrêtons d’être la goutte d’essence qui déborde dans la vase.
Aujourd’hui, ce n’est pas compliqué, soit on est la solution, soit on hait la solution!
(Certaines municipalités travaillent fort pour réglementer le Far West aquatique. Mais, il arrive que même Transports Canada arrivent à leur mettre des bateaux dans les roues (St-Denis, St-Charles)! Lobby de l’industrie? Bien voyons.)
Il faut diminuer notre consommation, faire pression et aussi légiférer.
J’adresse donc cette lettre toute-verte aux élus, à l’ensemble des citoyens et pour commencer directement à toi; amateurs de bateau moteurs.
Passionnément, tu aimes ton loisir. Comme tout le monde, tu cherches ton plaisir. Mais, du plaisir, est-ce que tu es capable d’en ressentir sans sentir ton moteur vrombir?
Est-ce que tu connais le vrai secret pour sécréter de la sérotonine, de l’adrénaline et de la dopamine sans brûler de la gazoline? Contemple, flotte, contente-toi d’être content. Bouge tes fesses par toi-même, baigne-toi pour que tout baigne, rame et ramène la joie, lève la voile et dévoile-toi, ose une véritable pause! Et si tu veux des sensations plus fortes : Lors du prochain dimanche ensoleillé, va faire du kayak sur le fleuve ou sur la rivière Richelieu, tu vas « vaguement» comprendre c’est quoi un sport extrême!
Et parlant de plaisir, as-tu déjà fait l’exercice de mettre sur le plateau d’une balance ton plaisir individuel et, sur l’autre, le désagrément collectif, la pollution atmosphérique et la destruction écologique que tes activités motorisées suscitent?
Évidemment, puisqu’il s’agit de TON plaisir, j’ai bien peur que, les résultats de la balance, tu t’en balances.
Faque tu génères du CO2, et c’est odieux dans l’atmosphère. Plus t’en génères, plus dégénèrent toutes les beautés de la rivière.
Bon, c’est sûr, que comme tout le monde, tu dois te dire qu’il y en a des pires!
Puis c’est vrai! Heille! Il paraît que les 10 % les plus riches du monde produisent à eux seuls 50 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C’est eux autres les vrais pollueurs!
Mais, selon Finances et développement*, tu fais partie des 10 % les plus riches quand la valeur de tes avoirs atteint 172 000 $. Il vaut combien, ton bateau? Oui, c’est vrai qu’il y en a des pires… ceux qui transpirent, écrasés pars la pollution des empires.

Je te dis tout ça, mais je me doute bien que si, à ce jour, tu es resté insensible au rapport du GIEC, à l’érosion des berges, aux espèces menacées, au rêve de quiétude des autres humains puis même au prix du gaz, il n’y a pas beaucoup de chance que j’arrive à te convaincre avec mes petits mots qui riment (avec ton crime).
Je pourrais te faire jouer en boucle les statistiques sur les changements climatiques et sur les réfugiés climatiques d’Afrique, ça ne t’atteint pas, tu ne l’entends pas… Ton moteur te donne des acouphènes?
C’est ton canal auditif, ton cœur ou ton cerveau qui est bouché? Bien non! Assurément tu n’as pas une cervelle d’oiseau! Mais quand on te parle d’environnement, tu t’enfonces la tête profondément dans le sable…. Bitum’haineux!
Ainsi, à moins que tu ne te sortes la tête du sable ou que ton cœur fleurisse d’altruisme planétaire, je n’ai pas beaucoup d’espoir que mes mots te fassent changer d’activité. Mais je serais heureuse de me tromper.
D’ici là, je compte surtout sur nous.
Alors oui, c’est à nous surtout que je m’adresse maintenant
Nous qui savons les ravages que causent les vagues folles de tous ces vagues fous.
Nous qui sommes dégoûtés qu’une minorité d’individus pollue une ressource collective pour des activités (dé)plaisance qui sont par « essence », toxiques?
Nous qui aimons la source, la douce mousse et la Grande Ourse, nous qui voulons savourer l’eau, et protéger cette ressource.
C’est à nous de sortir de notre lit et de gronder plus fort que chute en montagne. Pour que chute le Motoroum et pour que vive la rivière vive…
Je compte sur nous, je conte pour nous, histoire de nous donner le goût.
***

Il était une fois, au royaume des indul’gens, un petit groupe d’hommoteurs qui faisaient la pluie dans le beau temps.
Par les belles journées caniculaires, ils transformaient la rivière en piste de course délétère. Les shérifs n’avaient aucun pouvoir légal pour mettre un frein à ceux qui n’en avaient pas. Les hommoteurs avaient instaurés une véritable motocratie. Les indul’gens essayaient d’apprécier la rivière :
• Écoute la nature qui s’éveille
• Quoi?
• Les bruits sont sea-doo .
• Quoi?
• Profitons décibels journées.
• Quoi? Parle plus fort, j’ai un avion dans l’oreille.
Il était devenu ridicule de rêver d’une rivière paisible, absurde d’imaginer que, dans cette rivière, coulait… de l’eau! Source de vie!
Par respect pour la liberté des Hommoteurs, les indul’gens étouffaient la leur et leurs propres valeurs. Mais la tolérance s’était transformée en soumission… et la soumission en normalité. Les indul’gens avaient cessé d’y croire, cesser d’y boire, cesser de rêver de s’y baigner!
Mais aujourd’hui, toi, eux, nous… Nous recommençons à rêver.
Est-ce qu’on fera de ce rêve notre nouvelle réalité?
Ariane Labonté
Mont-Saint-Hilaire

Il est essentiel de signifier notre appui à la réglementation en cours d’évaluation auprès de transport Canada. Nous avons enfin une chance d’avoir un impact sur la santé de nos cours d’eau, ne manquons pas notre chance. Signez et partagez en très grand nombre, auprès de tous les citoyens canadiens :
La Gazette du Canada, Partie 1, volume 157, numéro 24 : Règlement modifiant le Règlement sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments

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