29 septembre 2025 - 05:00
L’impossible réconciliation
Par : Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Même si le documentaire Libres de choisir s’intéresse surtout à la réalité des intervenants de première ligne, mon collègue Olivier Dénommée rapporte, dans les propos de la production, que bien des gens ont voulu témoigner en raison de ce qui se passait aux États-Unis. On ne voulait pas que ce droit soit en danger ici, comme c’est le cas au sud avec l’arrêt Roe contre Wade.

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Car oui, même si le droit à l’avortement n’est pas remis explicitement en question au Canada comme aux États-Unis, il reste que rien n’est blindé. Même si l’avortement est légal et décriminalisé ici depuis l’arrêt de la Cour suprême en 1988, il demeure fragile. Dans de nombreuses régions, notamment rurales, l’accès aux cliniques ou aux hôpitaux offrant ce service est limité, parfois inexistant. De plus, bien qu’il n’y ait pas de loi fédérale restreignant l’avortement, des tentatives de législation sont régulièrement déposées par des députés de l’opposition pour en limiter l’accès. Par ailleurs, l’action de groupes anti-choix et de centres de crise de grossesse contribue à la désinformation et à la stigmatisation.

Si ça semble acquis ici, je sens que ça peut basculer très rapidement. Je pense notamment à Charlie Kirk, ce débatteur et entrepreneur derrière Turning Point USA, une organisation très conservatrice, assassiné le 10 septembre dernier. Même si on avait peu entendu parler de lui au Québec, sa mort a inondé l’espace public de discussions sur ses positions. Et on a découvert que bien des gens ici partageaient certaines de ses visions.

Ce que je n’aime pas du discours politique ambiant, c’est que tout est de plus en plus polarisé, et la nuance entre les argumentaires se perd. Ceux qui adhèrent aux idées de la droite conservatrice et religieuse défendues par Kirk pourraient bientôt nous ressortir ses arguments sur l’avortement.

Si je résume, sa position anti-avortement était radicale. Il a déjà comparé l’interruption de grossesse à un holocauste. Il défendait l’idée que la vie humaine commence dès la conception et plaidait pour une interdiction presque totale de l’avortement, n’acceptant aucune ou très peu d’exceptions. De plus, il affirmait que l’avortement n’est jamais médicalement nécessaire, remettant en question toute justification médicale à cette procédure. Sa vision, profondément ancrée dans le religieux, rend le compromis impossible.

Je pense qu’on se dirige de plus en plus vers une remise en question du droit à l’avortement, même ici, avec la montée de la droite conservatrice. Elle dirige maintenant notre voisin du Sud et leur président fricote beaucoup avec les grands noms de la Silicon Valley, qui contrôlent les algorithmes et les avancées en intelligence artificielle. Je ne serais pas surpris que nos réseaux sociaux nous inondent bientôt de l’argumentaire dangereux d’un homme comme Kirk, rendu encore plus puissant depuis sa mort. Ou les réseaux sociaux de nos enfants.

Surtout que Donald Trump a déclaré la guerre à la gauche politique. Et le droit à l’avortement, c’est pas mal une patente généralement associée à la gauche. Des documentaires comme Libres de choisir sont donc nécessaires plus que jamais.

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