Peu d’enseignants peuvent dire avoir enseigné sous tous les ministres de l’Éducation depuis Paul Gérin-Lajoie jusqu’à Sébastien Proulx. L’enseignant a vécu toutes les réformes depuis la création du ministère de l’Éducation, en 1964.
«Un enseignant qui, pendant 50 ans, s’occupe de 150 élèves par année, ça fait beaucoup de personnes qu’on amène au bout de leur rêve. Je ne pense pas qu’on trouverait beaucoup d’enseignants qui diraient qu’ils vont faire 50 ans. Il y en a, mais c’est un métier qui exige beaucoup», témoigne Philippe Gendreau, qui a enseigné dans deux écoles différentes avec M. Matteau
Au cours de ses 54 années en carrière, l’Hilairemontais a réalisé un parcours impressionnant, enseignant dans huit commissions scolaires et tout autant d’universités, occupant des postes allant de l’enseignement secondaire, collégial et universitaire à la direction de commission scolaire. Un parcours qui l’a même mené jusque chez les Montagnais de La Romaine.
Un visage de l’enseignement bouleversé
Sa première classe, il s’en souvient encore. C’était en 1962. Il avait 19 ans et les 30 garçons à qui il enseignait étaient à peine plus jeunes que lui.
Cinq décennies plus tard, il constate que l’échange avec les parents est beaucoup plus facile, notamment parce que ceux-ci sont souvent davantage scolarisés. Si les services aux élèves se sont grandement améliorés, il constate que les élèves ont un sentiment d’appartenance plus fort que jamais à leur école.
L’arrivée des nouvelles technologies a aussi changé la manière d’enseigner, même si la craie sera toujours le meilleur outil, croit-il.
«La technologie nous sert à diversifier, avoir des points d’attraction, faciliter la concentration des jeunes, leur donner une vision des choses qu’ils ressentent. Ils sont nés avec la technologie. Souvent, chez les enseignants, surtout les plus anciens, nous sommes réfractaires au changement. J’en étais un et j’ai vite remarqué que pas du tout, c’est l’évolution.»
Impliquer les enseignants
Il croit également que le modèle d’éducation gagnerait à être réformé en collaboration avec ceux qui constituent «le cœur d’une école» et qui travaillent directement dans les classes et non seulement au niveau ministériel.
«Il va falloir qu’on s’arrête et qu’on réfléchisse pour enrichir les programmes d’enseignement. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Le moule n’est pas adapté à tous les jeunes pour la simple et bonne raison que c’est un système à voie unique. Il faut mettre sur pied des domaines d’enseignement qui vont garder nos jeunes à l’école dans des choses qui les intéressent davantage.»
Des blagues, des chansons et des emplois
L’annonce de la retraite de M. Matteau a suscité une véritable vague d’amour sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’élèves ont souligné sa patience et son dévouement. Les blagues que l’enseignant avait l’habitude de lancer au début de chacun de ses cours et les chansons qu’il leur faisait découvrir à la fin de tous les cours ont aussi marqué l’esprit de ses élèves. «Si j’oubliais moindrement, on me le faisait penser tous les matins. Votre blague M. Matteau», se rappelle-t-il.
Beaucoup d’élèves ont d’ailleurs souligné que M. Matteau a réussi par son enseignement à leur faire aimer l’anglais. Pour d’autres, la contribution du professeur va bien au-delà de l’anglais.
«Il ne transmet pas que sa matière. Il est vraiment là pour les jeunes, à essayer de les placer. M. Matteau me racontait qu’il a trouvé des emplois à des élèves. S’il entend parler d’un commerce qui cherche un jeune, il va en parler à l’élève», explique Philippe Gendreau
Chaque année, M. Matteau amenait une quinzaine d’étudiants à la base militaire pour leur faire découvrir le métier de soldat, un métier qui se lie à un vieux rêve de l’enseignant d’améliorer l’état du monde et de le protéger. Une maladie l’empêchera finalement de s’enrôler, mais M. Matteau a tout de même trouvé sa façon de laisser une marque sur le monde qui l’entoure. Il se souvient même d’un élève qu’il avait amené à l’école des recrues, qui est revenu le voir quelques années plus tard avec la photo de graduation de l’école des recrues. Il a affiché la photo de son ancien élève dans son cabinet d’études.
«La chose la plus importante, c’est d’être un modèle et surtout d’inspirer les jeunes à se prendre en main et à réussir leur vie. La scolarité, ça passe vite, c’est court; mais la vie, elle dure longtemps. Il faut bien se préparer. Je pense que j’ai été un bon modèle. Je les prenais comme mes enfants, je les ai tous adoptés.»
Pas vraiment une retraite
Même s’il n’enseignera plus l’anglais au secondaire, M. Matteau ne prend pas réellement sa retraite. Il souhaite continuer à enseigner aux plus vieux, dans les universités et les collèges, en plus de travailler sur un livre portant sur ses cinquante ans en carrière dans l’éducation. Les élèves d’Ozias-Leduc pourront peut-être même le voir dans les corridors de l’école, puisqu’il a accepté de figurer sur la liste des remplaçants.