Le metteur en scèneLe directeur artistique de L’Arrière Scène et metteur en scène de Ma sœur, Jean-François Guilbault, a travaillé étroitement avec Serge Marois pour donner vie à la troisième et dernière pièce que son prédécesseur a écrite. « Serge a mis en scène beaucoup de pièces, mais n’a écrit que ces trois textes. La robe de ma mère, la première pièce de la trilogie, se voulait un hommage à sa mère, mais le besoin s’est ensuite fait sentir pour écrire la contrepartie avec son père, une œuvre davantage dans la confrontation avec Les mains de mon père. Il a réalisé que cela deviendrait une trilogie lorsqu’il a voulu écrire sur sa petite sœur qui est décédée quand elle était toute jeune, une blessure familiale qui n’a jamais été complètement guérie », explique-t-il. La trilogie se veut donc, en quelque sorte, une « docu-fiction » que le dramaturge a basée sur sa propre vie et ses souvenirs d’enfance. « C’est très certainement son texte le plus abouti. Serge avait vraiment des choses à dire dans celui-ci », poursuit le metteur en scène.
Selon Jean-François Guilbault, Ma sœur est une pièce émotive de par son sujet – la mort d’un enfant et le deuil –, mais elle est aussi pleine de moments drôles et touchants qui peuvent rejoindre un public de 7 ans et plus. « Il y a quelque chose de léger dans le traitement qu’on en fait. Le message qu’on envoie, c’est que la vie de famille, il faut en profiter », assure celui qui travaille sur la pièce depuis trois ans, notamment à cause de la pandémie qui a repoussé le projet.
Mais le résultat est largement à la hauteur des attentes. Les cinq comédiens (Yann Aspirot, Anne Bryan, Anaïs Cadorette-Bonin, Fabrice Girard et Jean Harvey) parviennent à faire voyager l’assistance à travers les époques, entre le présent et les flashbacks, entre la réalité et l’imagination de Marianne, cette petite sœur partie à trois ans et demi qui raconte sa trop courte vie avec une bonne dose d’innocence et de lumière. La musique, signée Pierre Labbé, et la mise en scène contribuent énormément à créer cette magie. « Il y a des projections vidéo pour évoquer les souvenirs de Marianne. Ça donne un côté très ludique à la pièce », note Jean-François Guilbault. Et à entendre les rires à plusieurs moments dans la salle, on constate que Ma sœur parvient à faire vivre toute une gamme d’émotions. Notons que les jumeaux Émile et Gaston sont particulièrement efficaces pour ajouter de la légèreté à l’ensemble, avec de nombreux clins d’œil à une véritable dynamique entre frères à laquelle beaucoup peuvent s’identifier.
Cela n’empêche toutefois pas de verser une larme à la fin de la pièce de 50 minutes, qui se termine avec la famille qui fait, presque 37 ans plus tard, enfin la paix avec le décès de Marianne. « On sort de deux années où les gens ont connu l’isolement, la mort, le deuil. C’est certain qu’il y aura des discussions dans certaines familles sur la question », reconnaît le metteur en scène, qui voit tout de même Ma sœur comme un spectacle « feel good » automnal.
La fin d’un chapitre
La présentation de Ma sœur a quelque chose d’encore plus émotif lorsqu’on réalise qu’elle marque aussi la fin de la collaboration de Serge Marois avec L’Arrière Scène, après 46 ans. « C’est la fin d’une ère pour nous, le point final de son implication avec L’Arrière Scène », mentionne son successeur. Le jour de la grande première à Belœil était aussi l’occasion de lancer le livre de la « Trilogie familiale », en présence de proches de L’Arrière Scène et de Serge Marois venus célébrer la conclusion de son œuvre.
Malgré la fin de la longue collaboration entre Serge Marois et L’Arrière Scène, il y a peu de doutes que Ma sœur et les autres pièces de la « Trilogie familiale » continueront longtemps de vivre, de voyager et de rayonner au Québec et à travers la francophonie.